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Il y a cette fille, au fond de la salle. Enfin, elle est plutôt sur le côté, adossée à la fenêtre. Dans tous les cas, elle est derrière moi, dans mon dos, si bien que je doive me retourner pour pouvoir la regarder. Au début, j'avais peur qu'elle m'aperçoive, qu'elle se rende compte que je l'observe. J'avais peur de passer pour un psychopathe.

Mais non.

Jamais elle ne lève la tête pour écouter les consignes, pour parler à son ancienne voisine qui désormais a changé d'établissement. Alors je passe mon temps à regarder ses cheveux, d'un blond mat, presque châtain. Je passe mon temps à m'imaginer ce visage dont je n'ai jamais eut la chance de voir les yeux. Les garçons disent qu'elle n'en a pas. Moi, je préfère me dire qu'elle les protège du monde extérieur, d'agressivité de la vie. Je préfère me les imaginer, plutôt que d'aller lui parler.

Enfin, c'était ce que je m'étais dit pendant quatre mois. Quatre mois à ne rien dire, à faire comme les autres, comme si elle n'existait pas. Quatre mois où je n'étais qu'un garçon parmi une masse informe, un garçon dont elle ne savait probablement pas le nom.

Parfois, dans la vie, il y existe de ces moments où un léger détail peut tout faire changer. Où un sms envoyé à un mauvais correspondant peut retourner votre groupe d'ami contre vous. C'est mon cas. Mais je n'ai pas envie de parler de cela, c'est assez inutile. Les jeunes adolescents peuvent être pires que des loups affamés entre eux. La douleur n'est que rarement physique ; mentale, elle peut surpasser nos pires cauchemars.

Alors un léger détail peut tout faire changer. J'ai dû m'asseoir à côté de Niel, puisque mon ancien groupe d'ami m'avait rayé de sa liste. Je ne me souviens plus très bien de la façon dont les choses s'étaient déroulées. Enfin, ce serait vous mentir. Je me souviens de tout, dans les moindres détails. Mais j'en ai honte, car je n'avais pas eut la force de lui parler. C'est elle, qui a commencé.

- Bonjour Alexis.

Sa voix était calme, pure, presque inaudible. Elle n'avait pas levé la tête, et à côté de moi une masse de cheveux blonds était penchée sur la table. J'étais ce genre de garçon qui n'aimait pas les films à l'eau de rose, qui faisait de la natation, qui aimait les voitures. Ce genre de garçon que l'on peut rencontrer tous les jours. Je voulais paraître cool et branché, parce qu'on m'a dit que les filles aiment les garçons cools.

- Yo.

J'ai été pathétique. Niel n'était pas ce genre de fille. Je pensais gagner des points, mais je ne faisais qu'en perdre. Enfin, Niel ne résonnait pas en points. Elle résonnait en sonorités. Au début, je pensais qu'elle écrivait tout ce que disait Madame Klans, notre professeur. Mais au final, pas du tout, son cours ne tenait qu'à peine dans la marge. Elle écrivait des mots qui, depuis mon poste d'observation, n'avaient aucun sens. Des mots, les uns à la suite des autres, qui ne voulaient rien dire.

Ce mardi, pour la première fois depuis quatre mois, on pouvait apercevoir son sourire. Sûrement son premier. J'étais heureux de penser que j'avais sur elle cet effet-là.

L'intraveineuse de sensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant