Niel était venue sur la plage, à côté de moi. Elle tenait une bouteille entre ses mains, même si j'avais plutôt l'impression que c'était la bouteille qui la soutenait. Je n'aurais su dire ce que c'était, je ne m'y connaissais absolument pas en alcool. Mais Niel avait l'air d'apprécier. Enfin, elle appréciait tout. C'était ce genre de fille à laquelle on pouvait montrer n'importe quoi, elle regardait fixement, d'un air incroyablement intéressé, même si elle ne comprenait rien. C'était ça, qui me plaisait chez elle, c'était son côté rêveur et contemplatif des merveilles quotidiennes de la vie.
- T'en penses quoi, de la mer ?
J'avais toujours craint les discussions de fin de soirée sur les mystères et les secrets de l'existence humaine, entre philosophie et psychologie de comptoir avec des gens bourrés. Dans les livres, je trouvais cela souvent très drôle, mais dans la réalité, l'histoire en était toute autre.
- Euh, bah c'est beau, hésitais-je.
- Non, mais la mer, enfin, avec de l'eau... C'est pas juste beau, la mer elle entre en toi, elle te pénètre, elle s'imprègne, au final tu es elle...
Je ne savais même plus si elle se rappelait du sujet. Mais elle était belle, dans ce clair de lune, ces mille éclats de d'étoiles se réfléchissant dans ses iris.
- Tu es ravissante Niel, tentais-je, peu confiant.
- Comme la mer ?
- Ahem, oui, comme la mer.
La jeune fille tourna son visage vers moi, un sourire démesurément grand sur son visage. Elle but une large rasade de sa boisson transparente, j'essuyai la bouche du revers de sa main libre à la manière d'un camionneur dénué de toutes bonnes manières après sa bière et saisit ma nuque. Ses lèvres rencontrèrent les miennes, d'une manière un peu trop vive et brutale à mon goût. Il n'y avait ni passion, ni amour ni frisson. Simplement deux lippes, compactées l'une contre l'autre, dans l'attente d'une réponse providentielle qui n'arrivera vraisemblablement jamais. Je ne savais quoi faire, ni comment les remuer, ni même d'ailleurs si je devais le faire. Niel, elle, fermait les yeux. Je commençais à m'impatienter, on aurait dit qu'elle s'était endormie. Ce fut surement l'un des moments les plus gênant de ma vie.
- Euh... Niel..., questionnais-je, encore collé aux deux morceaux de chair rosée.
- Oh, pardon, s'excusa-t-elle en délivrant mes lippes d'une douleur qui s'étendait à toute ma mâchoire.
- Ce n'est rien...
En soit, ce n'était pas grand chose. Ce n'était pas dramatique. C'était tout bonnement gênant, Niel ne semblait pas maître de ses émotions et de ses actes. Pourtant, dans d'autres circonstances, j'ai adulé ce moment. Je l'aurais chéri, j'aurais pris soin de chaque seconde. Je savais que je n'aurais pas de deuxième chance, que c'était ce soir ou jamais. Et j'avais déjà bien assez peu vécu, à cause de cette peur qui m'empêchait toute action.
Je la fis basculer sur le dos, embrassai ses lèvres, son cou, descendit au creux de sa poitrine.
Ce soir-là, Niel et moi, nous avions franchi un cap de non-retour.
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L'intraveineuse de sens
General FictionAu final, que sommes-nous ? Niel le sait. Elle le sait, parce que les mots le lui ont dit. Tout simplement. #210 dans Fiction Générale (28.08.2016) © Je suis un paradoxe. | 2016 #JeSuisResponsableDeCeQueVousLisez