|| trois.

467 121 8
                                    



La nuit venait de tomber sur la petite ville. La fraîcheur me saisit au corps : je n'avais ni blouson ni manteau, une simple chemise en faisait office. Depuis l'extérieur, je voyais les quelques lumières de la chambre de Niel, au premier étage. On pouvait y distinguer une petite guirlande, comme celle que mes parents mettent sur le sapin de Noël. La sienne était blanche ou peut-être légèrement dorée, et pendait sur un pan de mur. De l'autre coté, la lampe en inox de son bureau était allumée. Après avoir su où elle habitait, j'avais pris soin d'aller chercher le carnet dans le Parc Floral. Enfin, « pris soin » est un bien grand mot. Les grilles étaient fermées à cette heure-ci, j'avais dû escalader les barrières, mes bras s'en souviennent encore. Sur le chemin, j'avais lu son carnet.

J'ai été terriblement stupide. Je m'étais glorifié, tel un coq j'étais fier car pour la première fois je pensais qu'une fille souriait lorsque je m'étais mis à côté d'elle. Grosse erreur. Énorme erreur. Une erreur tellement grosse que je me sentais ridiculement petit, incroyablement honteux. Comment ai-je pu devenir une personne aussi hautaine, aussi fière ? Ce n'était pas moi, je n'étais pas dans mon état normal.

Et Niel non plus, n'était pas normale. En relisant maintes et maintes fois son carnet, je compris : elle comptait se suicider. N'ayons pas peur des mots. Elle voulait partir, ça crevait les yeux. Qu'allait dire sa famille, ses professeurs, ses am... Oui, sa famille et ses professeurs, restons-en là. Et moi ? Qu'allais-je dire ? Parce que désormais, je compte, dans cette histoire. J'ai mon mot à dire, il est de mon devoir d'essayer de l'en empêcher. Quoique non, ce n'est pas un devoir, mais plutôt une envie. J'ai envie de l'aider, ce n'est pas une contrainte.

Au pied de la terrasse se tenaient des gravillons. Vous savez, ces petits morceaux sur lesquels on tombe sur les genoux en essayant de faire du vélo sans les stabilisateurs ? Et bien c'était les mêmes. J'en pris une poignée, deux ou trois auraient du suffire.

J'en lançai un.

Pas de réponse.

Un deuxième.

Pas de réponse.

Un troisième.

Toujours pas de réponse.


Je lançai la poignée, tant pis pour la vitre. Toujours rien. J'explosai dans la cour du jardin.

- Putain !

Heureusement, la chambre de ses parents semblait être de l'autre côté. J'aurais été bien mal à l'aise. J'imaginais déjà la scène : « Jeune homme, pourquoi venez-vous injurier ma fille dans mon jardin ? Voulez-vous que j'app... »

- Qu'est-ce que tu fiches ici ?!

J'agitai le petit carnet bleu du bout du bras. Pour la première fois, je voyais son visage en face. Manque de chance pour moi, la lumière n'était pas assez puissante pour que j'y vois la moindre couleur. Dans un dernier espoir, je lui lançai :

- J'ai ça, si tu veux !

- Mais qu'est-ce que tu fais avec ?! Remets-le à sa place, ça ne te regarde pas. À demain.

- Je ne veux pas te perdre.

Elle était sur le point de fermer sa fenêtre. Elle s'arrêta, fit volteface. Pas de réponse, pas d'expression apparente. Un mur, Niel était un mur. Mais ce soir là, j'avais décidé d'être un bon marteau.

- Bon, attends, je monte.

Niel vit qu'elle n'avait pas le choix, que j'étais obstiné. Alors elle céda, retourna dans sa chambre, en laissant la fenêtre de sa chambre ouverte. Elle m'attendait. Niel m'attendait.

L'intraveineuse de sensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant