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Il est bizarre, Alexis. Entre les cheveux, je l'aperçois. Mais je n'ai pas besoin de mes yeux pour bien le voir. Le son de sa voix, les mots qu'il emploie, les accents, la façon de placer sa ponctuation. Le langage peut révéler beaucoup, trop de gens n'y font pas attention.

Il a l'air grand, Alexis. Il fait du sport. C'est sûrement quelqu'un de bien. Malgré la proximité de nos tables de cours, c'est un fossé qui nous sépare. Une faille immense, aussi béante que le trou de mon cœur.

Je ne sais pas pourquoi il s'est mis à côté de moi. Ses amis ne veulent peut-être pas de lui. Peut-être est-ce lui qui, inconsciemment, n'en veut plus ? Bienvenue dans un monde d'exclus ! Oh, mais qu'il ne s'en fasse pas, Alexis. Lui n'a pas besoin de s'en faire. Il retrouvera un groupe, il a le don pour se faire des amis. Il parle aisément, il est sûr de lui. Je l'ai déjà entendu durant un exposé sur les molécules d'uranium. Très intéressantes, d'ailleurs, ces petites molécules : se détester au point de se percuter, de s'aimer, de s'enlacer. Alexis, un poète, mais à sa façon. Même si cette classe ne restera pas dans mon cœur, tous ses membres sont des gens bien. Alors oui aussi, il en fait partie.

Mais que dis-je ! Je divague aujourd'hui, Chers Mots. Mon esprit est ailleurs, bien trop loin, bien trop haut. Mon esprit est une âme en peine qui sait que, ce soir, sera la plus belle soirée de ma vie. Ce soir, je reviendrai d'un monde de paix éternelle. Fini les méandres de sentiments, de doute, de tremblements. Fini ce temps où je me dois de baisser la tête. Et c'est cela, qui me fait sourire.

Je vais devoir vous dire adieu, Cher Carnet, Chers Mots. Je vais devoir vous abandonner pour que, peut-être un jour, quelqu'un vous retrouve. Et que, peut-être un jour, quelqu'un comprenne.

Niel. 


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L'intraveineuse de sensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant