Chapitre 43: changement d'air

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Wiesemann soupira en regardant depuis sa fenêtre le parc qui séparait le bâtiment des officiers et l'orphelinat. Cela faisait une semaine qu'il était rentré du champ de bataille, mais il était toujours autant fourbu. Les Gauts, fatigués de se heurter continuellement aux défenses de l'empire, avaient proposé un armistice jusqu'au printemps prochain, ce que l'empire avait accepté. Le général pensait donc pouvoir enfin se délasser à Krün après une campagne éreintante.

Mais c'était sans compter que l'affaire de l'entrepôt mettrait au grand jour la présence d'une démone à l'académie. Nombreux étaient ceux qui avaient déjà vu Herenui dans le camp, mais la plupart pensaient que c'était l'esclave de Fabeck. La nouvelle provoqua une grosse vague de contestation dans les rangs de l'armée: il était hors de question qu'une démone donne des ordres aux fiers soldats ebeneniens.

Il fut rapidement découvert que c'est le général qui avait fait entrer l'adolescente à l'institution militaire et c'est donc vers lui que se tournèrent les récriminations à son retour, deux jours après le procès de Ronny et ses acolytes.

Wiesemann s'était montré trop optimiste sur sa façon de traiter l'intégration d'Herenui. Il pensait qu'avec le temps, les soldats s'habitueraient à la présence de la démone et que, l'été suivant, ils ne seraient pas trop opposés à l'idée de suivre ses ordres. Le hasard en avait voulu autrement et la situation était maintenant délicate.

L'officier ne pouvait pas se permettre de se discréditer auprès de ses hommes, en particulier avec les événements à venir concernant la succession de l'empereur: les provinces allaient être plus vulnérables à partir du printemps prochain et il fallait que Wiesemann ait un soutien maximal de ses soldats pour permettre à Alric d'arriver dans les meilleures conditions.

D'un autre coté, son instinct lui criait qu'Herenui serait un atout hors du commun pour l'empire, or cet instinct ne l'avait jamais trompé jusque là, lui permettant d'accéder à sa prestigieuse place de général. Le rapport de l'instructeur Fabeck sur la bataille du fort de Leich le confortait encore plus dans son impression: la jeune fille était intelligente, composée, talentueuse et terriblement efficace. Il fallait qu'il arrive à la faire accepter.

Cependant, il lui faudrait du temps pour convaincre ceux qui pouvaient l'être que la démone avait les capacités de devenir un excellent meneur d'hommes et le général avait été momentanément contraint de la retirer de l'académie pour calmer les opposants les plus farouches.

Quand il était allé annoncer la nouvelle à Herenui, cette dernière était restée impassible. Il était toujours difficile de savoir quelles émotions animaient la jeune fille. Il lui arrivait par moment de laisser échapper quelques petits signes d'agacement, mais c'est à peu près la seule réaction qu'il avait réussi à voir chez elle. Se plaisait-elle à Krün, ou ne pensait-elle qu'à rentrer dans ses îles? Que ressentait-elle envers les ebeneniens, les orphelins, Mathilda, Alfrid, Natsuko ou lui? De la haine? De l'affection? De l'indifférence? Difficile à dire

Pour ne pas qu'elle prenne de retard dans ses leçons militaires, Wiesemann avait chargé Markus, son second, de s'occuper d'elle. L'homme, qui avait déjà côtoyé la démone, était un peu moins habitué à enseigner que Fabeck, mais il faisait son maximum pour transmettre ce qu'il avait appris auprès du général.

Deux coups frappés à sa porte le tirèrent de ses pensées.

-"Entrez" fit Wiesemann

Un soldat revêtant l'uniforme de l'empire fit son entrée. Il portait un brassard jaune, signe distinctif des hérauts de l'armée. Il salua son supérieur avant de prendre la parole:

-"Mon général, je vous apporte un message du capitaine de la garde de Wertach, Siegfried Möves. Il tient à ce que vous le lisiez le plus rapidement possible." Fit il en tendant un parchemin.

L'aventure d'Herenui [1ere version/incomplet]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant