Chapitre 14

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Mon regard faisait l'aller-retour entre l'énorme trou à mes pieds, et le visage d'Amon. J'avais une drôle de boule d'air dans la gorge qui me donnait l'impression d'étouffer.

En fait ce n'était pas une impression, je ne respirais réellement plus.

– On fait quoi ? soufflai-je d'une petite voix en inspirant fortement.

– Je suggère qu'on descende, répondit simplement Amon, comme si c'était la chose la plus banale du monde.

Un rictus me déforma le visage. Mais bien sûr, sauter dans un trou d'une profondeur incertaine est une excellente idée pour survivre, quelle intelligence cet Amon ! fis-je ironiquement dans ma tête en levant les yeux au ciel. J'avais beau le connaître depuis des années et savoir qu'il était loin d'être idiot, j'étais sûre d'une chose : sa réflexion était tout sauf censée.

– Tu sautes tout seul alors. Et si t'es pas mort tu me fais signe, commentai-je.

Il me jeta un regard agacé.

– Je n'ai pas l'intention de mourir comme ça, on a qu'à balancer un truc dedans pour voir la profondeur du trou. Après on avisera.

Je fronçais légèrement les sourcils, vu comme ça c'était vrai que ça paraissait tout de suite moins bête. Par pur réflexe, je gonflais ma joue gauche pour montrer mon énervement d'être prise pour une imbécile. Bon, peut-être que je l'avais un peu été sur le coup, mais plutôt crever que de le lui avouer.

– Ok, grognai-je en attrapant machinalement un bâton en bois qui traînait par terre. Ça fera l'affaire ?

Pour toute réponse Amon me l'arracha des mains sans aucune douceur (me brûlant les doigts par la même occasion) et le lança comme ça. Je lui renvoyai un regard noir et serrai mes poings pour éviter d'aller lui mettre la baffe qu'il méritait. On jouait pour notre vie, on n'avait vraiment pas le temps de se prendre le bec pour des choses aussi futiles.

Je m'appliquai à respirer lentement et profondément pour me calmer.

L'attente dura quelques secondes, mais ce furent les pires secondes de ma vie. Une terreur sourde s'emparait de mon être à la simple pensée que notre bâton ricoche contre le corps de Rhymer. J'avais fini par bien aimer sa personnalité plutôt étrange, et son humour sordide. L'image même du blond, rempli de vie, mort me donnait envie de vomir. Un frisson glacé parcourut ma colonne vertébrale.

Ce Jeu était affreux. Je le savais déjà, mais là ça me frappa encore plus fort : comment les survivants arrivaient-ils seulement à respirer en songeant à tous ceux qui avaient dû mourir pour qu'ils soient encore vivant ?

Moi je n'y arriverai jamais, souffla une petite voix dans ma tête. Je clignai des yeux pour me remettre les idées en place, je penserai à ça plus tard.

"PLOUF"

Je sursautai et m'empressai de me retourner pour voir d'où venait le bruit. La cuisine restait fidèle à elle-même, en sale état avec seulement Amon et moi à l'intérieur. J'aurais rêvé ?

– C'était quoi ça ? demandai-je tout de même, me rongeant les ongles.

– Le trou est assez profond mais y a de l'eau visiblement... marmonna Amon. Par contre si le niveau de l'eau est bas on va se tuer.

Le trou dans la cuisine. Et le bâton en bois. Avec toutes mes pensées sombres j'avais presque oublié pourquoi on était là... Il fallait que je me ressaisisse. 

Le Jeu : SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant