114 - Cosima

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— Tu as passé tes coups de fil ? demanda François quand Tamara revint dans la pièce.

— Oui, c'est bon, assura-t-elle.

— Qu'a dit ton patron ?

— Il n'était pas ravi, mais je lui ai expliqué que c'était pour de raisons familiales, il a compris. Quand j'irai chercher mes affaires, je passerai au garage pour qu'on fasse les papiers.

— Tu as eu ta sœur ?

— Oui.

— Elle l'a pris comment ?

Tamara haussa les épaules :

— Comme on pouvait l'imaginer.

— Elle me déteste toujours ? demanda François.

— Oui, se limita à répondre Tamara.

— Elle pense que tu ne seras pas heureuse avec moi ? On va la faire changer d'avis, promit-il en la prenant dans ses bras.

— Elle ne pourra jamais croire que je le suis, explicita-t-elle la joue contre la poitrine de François. De toute manière, elle ne pourra jamais pardonner ce qui s'est passé avant.

— Le fait que je l'ai arrêtée ?

Tamara ferma les yeux. Il n'avait rien compris. Mais n'était-ce pas mieux ainsi ?

Elle ne voulait pas revenir sur l'inquiétude qu'elle avait causée à Cosima qui l'avait vu plonger, du fait de sa rupture avec François, dans un état de détresse psychologique qui l'avait menée au déni de grossesse. Elle se refusait à raconter les trois jours où elle était restée mutique après le choc de la visite où il lui avait asséné son dégout, sa rancune et son mépris.

Tamara ne voulait pas non plus lui apprendre combien Cosima s'était rongé les sangs pendant le mois qu'elle avait passé à l'infirmerie brûlante de fièvre après la naissance de Julien. Ni lui parler de la rage impuissante que sa sœur avait ressentie quand, durant plus d'un an, elle avait entendu Tamara pleurer chaque soir dans son lit en pensant à son fils qu'elle ne tiendrait jamais dans ses bras.

Devait-elle lui expliquer que sa sœur avait cristallisé sur François la révolte qu'elle avait ressentie en constatant que personne ne s'était préoccupé de la disparition de leur père, alors que des moyens importants avaient été déployés pour arrêter celles qui cherchaient à le venger ? À quoi bon lui faire comprendre que cette rancœur avait empêché Cosima de prendre le recul nécessaire pour admettre que François n'était pas responsable de la situation où s'était trouvée Tamara et qu'aucune des peines qu'il lui avait infligées n'était intentionnelle ?

Non, contrairement à sa sœur, Tamara avait bien retenu la leçon : ne jamais laisser le passé interférer sur le présent et gâcher l'avenir.

— Oui, c'est ça, répondit-elle. Elle est très rancunière.

Peine incompressibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant