115 - Déménagement

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Tamara passa la semaine à faire le tour des garages des environs de Lyon pour proposer ses services. Elle demandait à parler au patron, se présentait et déposait son CV. Elle faisait aussi les courses et préparait les repas et faisait le ménage, attentive à montrer sa bonne volonté à s'intégrer dans son nouveau foyer. Annie finit par intervenir :

— Normalement, c'est Julien qui sort la poubelle, François qui nettoie les sanitaires et moi le salon. Chacun fait sa chambre et on alterne pour la lessive, la cuisine et les courses.

— Mais je ne travaille pas pour le moment, défendit Tamara.

— Si vous commencez comme ça, cela continuera quand vous aurez trouvé un emploi, la prévint Annie. Moi, je suis à la retraite, mais si j'avais accepté de tout faire, je n'aurais jamais pu m'investir dans mes associations. On va voir comment vous intégrer dans notre organisation, pour que votre temps libre vous appartienne, indépendamment de votre temps de travail.

Tamara s'engagea à se limiter aux tâches qui lui incomberaient, mortifiée d'avoir, sans même y songer, remis en cause une organisation qui fonctionnait sans elle depuis si longtemps. Elle craignit une fois de plus qu'il soit difficile de s'intégrer dans son nouveau foyer sans empiéter sur une place déjà investie par un des membres de la famille.

Même si elle se sentait dépitée par cette mise au point, Tamara savait qu'Annie n'y avait pas mis de mauvaise intention. Elle avait par d'autres gestes prouvé sa volonté d'accueillir Tamara durablement. Dès le mercredi, Annie et François avaient terminé l'échange amorcé le soir de son arrivée en déménageant toutes leurs affaires d'une chambre à l'autre. Tamara y avait vu la preuve que sa présence dans la maison était considérée comme définitive et en avait été profondément touchée.

Le samedi suivant, Tamara, François et Julien partirent en voiture pour Dijon pour effectuer son réel déménagement.

— Tante Cosima sera là ? demanda Julien alors qu'ils s'engageaient dans la rue où se trouvait l'appartement de sa mère.

— Non, lui répondit brièvement Tamara.

Elle ne précisa pas qu'elle avait veillé à ce que sa sœur soit absente. Elle ne voulait pas que François et Cosima se rencontrent. Leur animosité respective rendrait tout échange vain. Autant l'éviter.

Il ne leur fallut que deux heures pour descendre ses effets personnels. Tamara ne récupéra que ses vêtements, ses affaires de toilette et ses papiers. Elle laissa tout le reste. Elle préférait racheter ce qui lui manquerait plutôt que d'avoir l'impression de dépouiller sa sœur.

Avant de partir, Julien montra son portrait qui trônait dans le salon.

— On l'emmène ? demanda-t-il.

— Il est vraiment bien, remarqua François. Tu l'as fait faire d'après photo ?

— Photo et pose du sujet. C'est Cosima qui l'a peint.

— Ah ! fut le seul commentaire de François.

— Alors, on le prend ou non ? insista Julien qui n'était pas au courant des relations difficiles entre son père et sa tante.

— Ça t'ennuie ? s'enquit Tamara en regardant François.

— Sans doute moins que ta sœur, remarqua ce denier.

— Si elle n'avait vraiment pas voulu que je le prenne, il ne serait pas là, jugea Tamara.

— Tu as envie de l'emmener ? questionna François.

— Oui, si ça ne t'ennuie pas.

— Très bien, emballé, c'est pesé !

Il s'avança et, aidé de son fils, le décrocha du mur. Julien ne fit aucun commentaire, ayant sans doute compris qu'il lui manquait des éléments pour savoir de quoi il retournait exactement.

— Tu avais raison, on n'avait pas besoin de louer une camionnette, remarqua plus tard François en calant les sacs et les valises dans le coffre et sur la banquette arrière. Mais ça tient juste, ajouta-t-il en posant le tableau à plat sur le reste.

— Depuis mes dix-huit ans, je vis dans des petits espaces, justifia Tamara. Bien, allons récupérer ma moto de circuit.

Ils passèrent prendre la remorque qui supportait le véhicule sportif dans le box où il était entreposé, avant de se rendre au garage où travaillait Tamara. Elle alla voir son ancien employeur dans son bureau. À son grand soulagement, l'entretien se passa bien. Il commença par la regarder et fit remarquer :

— Je ne sais pas ce que tu as changé dans ta vie, mais ça te réussit !

— Merci. Désolée de t'avoir laissé tomber.

— T'as toujours été réglo, reconnut-il gentiment. Je suppose que tu ne pouvais pas faire autrement.

— C'était très important, confirma-t-elle. Vous vous en êtes tirés ?

— On s'est débrouillé, mais j'ai déjà des clients qui te demandent. Tu as déjà du boulot ailleurs ?

— Je cherche dans la région lyonnaise.

— Je t'ai préparé un courrier de recommandation. Tiens, ça c'est le solde de tout compte, et le chèque. Dis-moi si ça te va.

Tamara vérifia les calculs, tout était en règle. Elle signa le papier et rangea le chèque dans son sac. Elle alla ensuite à l'atelier reprendre les affaires personnelles qu'elle y avait laissées dans son vestiaire et saluer ses anciens collègues. Quand elle eut fait ses adieux à tout le monde, son patron la raccompagna vers sa voiture, à côté de laquelle l'attendaient patiemment François et Julien.

— C'est pour eux que tu nous abandonnes ? demanda son ancien employeur.

Tamara hocha la tête.

— C'est ton fils ? se fit-il préciser en regardant Julien.

— Oui, répondit-elle, ne pouvant s'empêcher de laisser sa fierté filtrer dans sa voix.

— C'est sûr qu'on ne peut pas lutter, plaisanta-t-il. Allez, bonne chance.

Ils se serrèrent la main etTamara prit le volant de la voiture qui devait la ramener dans son foyer.


Peine incompressibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant