120 - Contredire

161 14 3
                                    


— J'aimerais bien avoir un cyclomoteur, annonça Julien au dîner, alors qu'ils évoquaient son seizième anniversaire, six semaines après l'installation de Tamara à Lyon.

— Pas question, répliqua François. Trop dangereux.

Tamara avait levé la tête à la demande de son fils, puis avait baissé les yeux vers son assiette quand son compagnon avait tranché.

La demi-heure suivante fut pénible. Julien insista, déployant ses arguments, tandis que François opposait un refus sans appel, d'un ton de plus en plus agacé. L'adolescent tenta d'entraîner sa mère dans la bataille, mais Tamara savait que cela ne ferait qu'empirer la situation et refusa prudemment de participer, ainsi qu'Annie. Le repas se termina dans un silence lourd.

Le lendemain, Julien aborda de nouveau le sujet avec Tamara, alors qu'ils étaient seuls.

— Et toi, Maman, tu en penses quoi ? questionna-t-il.

— Ton père a dit non.

— Je ne te demande pas ce qu'a décidé Papa, mais ce que tu dirais, toi ! insista-t-il.

— Tu sais bien que je ne peux pas contredire ton père, expliqua patiemment Tamara.

— Pourquoi ? interrogea Julien d'un ton provocateur.

Tamara haussa les épaules.

— Si on passait notre temps à se contredire, on n'irait pas bien loin.

— Mais pourquoi c'est toujours Papa qui doit décider ? s'obstina Julien. Déjà, avec Mamie, c'était toujours lui, parce que c'était mon père. Mais toi tu es ma mère. Tu n'es pas contre le fait que j'aie un cyclomoteur, hein ? Alors pourquoi on ferait comme Papa a décidé ?

— Parce que c'est lui qui t'a élevé pendant quinze ans et qu'il sait mieux que moi ce qui est bon pour toi.

— Pas forcément ! contra Julien. Il peut se tromper.

— Peut-être. Mais je ne peux pas arriver alors qu'il a fait le plus dur et tout changer pour faire à ma manière, justifia Tamara.

— Mais tu es ma mère, tu as autant le droit que lui de faire comme tu penses. Tu ne veux pas m'élever ?

Tamara eut l'impression de recevoir une gifle. Son désarroi dut se refléter sur son visage, car Julien s'avança vers elle :

— Maman ! s'inquiéta-t-il en la prenant dans ses bras. Ce n'est pas ce que je voulais dire ! Je sais que tu veux t'occuper de moi.

— Non, tu as raison, convint Tamara en tentant de reprendre le contrôle de ses émotions. Je vais parler avec ton père.


Peine incompressibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant