Le face à face

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J'ai l'habitude d'aller jusqu'au Rice Lake en voiture et de m'y promener les après-midis où je n'écris pas. Je suis entrée dans une nouvelle université dans le Minnesota dans laquelle plusieurs célébrités comme Bob Dylan y ont étudié. Moi, j'étudie la médecine et pas en tant que médecin légiste si vous voyez ce que je veux dire, c'est une façon pour moi de montrer que je ne suis pas qu'une tueuse. J'ai peut-être fait le mauvais choix de me venger ainsi plus jeune. À présent je suis plus mûre, j'ai fêté mes vingt et un ans l'été dernier et vis avec Matthew dans la maison où il a grandi. Lui a intégré la police de l'état et est un des plus jeune avec ses vingt-six ans, on est très heureux. On a même un chien qu'on a appelé Médor (rien de très original).

Assise sur un banc je tripote la bague de fiançailles que j'ai autour du doigt et repense à mon ancienne vie, celle d'une adolescente trop gâtée et impulsive. Je m'en veux de ce que j'ai fait. Il m'a fallu une année entière pour me reconstruire, je suis tombée en dépression d'abord parce que je ne trouvais pas Alvin, j'ai fait des allers-retours entre psychologues et pharmacie. Depuis je vais mieux, je me suis fiancée avec Matthew et notre mariage est prévu pour ma sortie de l'université.

Je suis heureuse, j'ai tout ce dont j'avais toujours besoin. Un homme qui saurait m'écouter et m'aimer, une maison qui est loin du luxe que j'ai connu mais incroyablement cosy et j'habite dans un quartier calme où tout le monde se connaît. Je côtoie une des meilleures universités du monde et me suis reconvertie en écrivaine amateur, j'écris le soir devant notre cheminée et Matthew me sert de lecteur.

La pluie commence à tomber mais ça ne m'empêche pas de sourire de toutes mes dents en pensant à la chance que j'ai mais ce sourire disparaît aussitôt lorsque je relève la tête et reconnais la personne qui me regarde. Celle-ci part en courant et mon instinct me dit où aller. Je monte dans ma voiture, roule jusqu'en ville et m'arrête devant un parc où des enfants se séparent pour rentrer chez eux, à cet instant une boule surgit dans mon ventre. Je sors de mon véhicule.


Je regarde dans tous les sens et me dis que ma démence est revenue car il n'y a personne.

Mais en me retournant, je le vis, debout et droit comme une statue, m'attendant de l'autre côté de la rue. Je reconnus son regard pervers et ses longs doigts froids que mon corps connait mieux que personne. Ses habits trempes témoignent de mon visage recouvert de larmes.

Il me sourit, je le regarde sans baisser les yeux.

Une énergie suscite en moi une force qui me dit de me battre.

Ma douleur ressuscite mais celui qui se trouve devant moi n'est pas encore mort.

Est-ce que j'aurai le courage de le défier ?

Il pleut des cordes mais ça ne m'empêche pas de suivre cette ombre qui circule entre les toboggans et les balançoires. Une fois arrêtée le son de sa voix parvient à mes oreilles :

- Alors, comment on se retrouve ma petite Paige ?

- Je t'interdis de prononcer mon nom.

- Oh arrête voir... On est plus intimes que ça je te rappelle, dit-il en riant.

- Je t'interdis de...

- Oh et qu'est-ce que tu vas faire ? Me tuer comme tu as tué tous les autres ?

- Vous l'avez bien mérité bande de salauds, dis-je en lui crachant dessus.

- Je ne te pensais pas capable de ça ma petite Paige... tuer quatre personnes de sang-froid... chapeau !

- Vas te faire foutre !

- C'était donc bien toi la petite meurtrière à la clé, sans jeu de mot bien sûr.

- Joshua, Jarod, Adam et Felipe ont eu ce qu'ils méritaient. C'est à ton tour de souffrir Alvin.

- Hé oh attends encore un peu. J'espère que tu as profité de ton moment de gloire parce que tu risques de passer le restant de tes jours derrière les barreaux...

Je crois d'abord à une phrase en l'air mais quelques secondes plus tard une vingtaine d'agents de police sortent des buissons et se jettent sur moi. J'aurais dû me douter que ce salaud avait prévenu les flics. Je ne peux pas m'échapper car ils sont tous autour de moi, la seule chose que je fais est de hurler :

- Salaud, t'as pas les couilles de m'affronter ?! Vas crever ! Enfoiré !

Pendant que des agents me crient de me taire un homme de couleur noire me fait entrer dans la voiture de police violemment et ferme la porte avec autant d'intensité dans son geste. Mes poignets emprisonnés et mes muscles étirés, je ne peux que regarder la scène avec effroi. Je vois Alvin sourire de toutes ses dents et me dire au revoir. Je baisse les yeux et pleure en suppliant le policier qui conduit de me relâcher.

- Je n'ai rien fait, c'est lui...

Mais moi-même je ne suis pas convaincue.

J'espère que tout ça est un cauchemar et que je me réveillerai en rigolant de ce face à face.



Ready for payback, Prête à se vengerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant