La première fois que je le vis, je crus que je devenais folle.
J'avais passé la journée au centre commercial avec Kalya, ma meilleure amie. Quand je dis meilleure amie, je suis très sérieuse. On se connaissait depuis une éternité, on avait passé notre enfance ensemble, en tant que duo inséparable. Nous étions comme des sœurs. Il n'y avait personne au monde que j'aimais plus que Kalya, mon amie, ma confidente, ma jumelle de cœur. Mais ce n'était pas le sujet. Donc, nous avions passé une excellente journée, allant de boutique en boutique pour acheter quelques vêtements qui avaient su conquérir notre cœur, et mangeant sucrerie sur sucrerie. Une journée de samedi tout ce qu'il y avait de plus banale, comme nous avions l'habitude d'en vivre. Je vous passe les détails de l'intégralité de ma journée. J'écoutais Kalya d'une oreille distraite sur le chemin du retour.
- Non mais vraiment ! Comment peut-on être aussi grand ? Personne ne peut porter une robe d'une telle longueur, et d'une telle couleur, piaillait-elle de sa voix chantante.
Je me mis à rire, parce que c'était à peu près la centième fois qu'elle répétait cela. Nous longions les bois afin de regagner ma maison. Kalya venait passer la nuit chez moi pour conclure cette journée entre amies. Ma demeure se situait dans un grand lotissement à l'orée des bois. J'aimais vivre pratiquement plongée au cœur de la verdure et de la nature. Je trouvais cela apaisant. Le matin lorsque je m'éveillais, je voyais à travers la fenêtre de ma chambre l'immense cime des arbres, leur tronc emballé dans l'écorce brune qui contrastait avec leurs feuilles vertes durant l'été et s'assemblaient si bien avec leurs feuilles rouges qui annonçaient l'automne. La vie trépignante qui peuplait cette immensité verte laissait place à un silence hypnotique lors de l'arrivée de l'hiver. Les végétaux enfilaient leur manteau blanc et hibernaient jusqu'à ce que leur renaissance éphémère ne s'opère au prémices du printemps. Souvent, je me baladais au sein de ce lieu, enfant de Gaïa, et je m'amusais à marcher le regard rivé sur les hauteurs, essayant d'apercevoir un bout de ciel bleu ou cotonneux. Lorsqu'il pleuvait, je m'attardais, laissant la pluie dévaler sur ma peau, et raviver les odeurs de la forêt. J'avais alors l'impression de ne faire qu'un avec les bois et quand je rentrais chez moi, couverte de boue, je souriais. Ce lieu était chez moi, je ne le quitterais pour rien au monde.
Perdue dans mes pensées, je demandai à Kalya de répéter sa question.
- Je disais : qu'est-ce que tu veux faire ce soir ? Visiblement, pas discuter, me taquina-t-elle.
Je souris face à sa remarque. C'était une habitude chez nous de se taquiner. On était un peu comme chat et chien mais au fond, on s'adorait. Je m'apprêtais à répondre à sa question ET à sa remarque quand je remarquai une chose des plus étranges. Entre deux arbre, caché par les ombres créées par le soleil qui déclinait, se tenait une créature. Elle paraissait énorme mais à la distance où j'étais, je ne voyais pas très bien. On aurait dit une sorte de loup, mais c'était bien trop gros pour être un simple loup. Et puis, qu'est-ce qu'un loup ficherait ici ? Ok, il y avait une forêt mais on était en ville, pas en haute campagne ! Je frémis à la vue de cette... Chose. Je pouvais presque discerner ses crocs, mais ce qui me frappait le plus, c'était ses yeux. Bleus comme la mer un jour de tempête, les yeux de la bête paraissaient habités par une âme non pas animale, mais humaine. L'intelligence, la compréhension et l'interrogation brillaient à l'intérieur de cette eau mouvementée. Je me figeai lorsque la chose planta son regard dans le mien. Kalya, qui ne s'était aperçue de rien et continuait à parler dans le vide, me rentra dedans de plein fouet.
- Imbécile !! Un peu plus et je tombais par terre ! Imagine que je me sois cassé un ongle ? Je t'aurais tué !
- Kalya regarde ! m'exclamais-je en pointant du doigt le lieu où se trouvait la bête. Tu as vu ça ?
Mon amie me lança un regard intrigué et contempla le lieu que je lui indiquais. Elle se tourna vers moi en fronçant les sourcils.
- Vu quoi ? Tu es sûre que ça va ?
Je laissai ma main retombée, ne sachant quoi répondre. Le vide avait remplacé la présence de la créature que j'avais vue, ou que j'avais cru voir. Pourtant... J'avais bien vu quelque chose ! Je... Je ne comprenais plus rien. J'avais l'impression d'être devenue folle, et le regard de Kalya n'arrangeait pas cette impression.
- Tu as dû manger trop de sucre ! rit Kalya en me poussant pour que j'avance.
- Oui, peut-être... Répondis-je évasivement.
Je me remis en marche et, tandis que Kalya ne cessait de palabrer, moi, je ne cessais de me retourner. Plus le soleil poursuivait sa course dans le ciel, plus les ombres s'épaississaient et plus je devenais paranoïaque. J'avais la désagréable sensation d'être épiée, sensation qui ne me quitta pas durant tout le reste du trajet.

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ImpatienceS
LobisomemJamais je n'aurais pu imaginer que l'univers puisse à ce point s'inverser. Du jour au lendemain, j'étais devenue une proie, un mystère et un véritable aimant à problèmes. J'aurais aimé fermer les yeux et renverser à nouveau le monde pour qu'il redev...