Chapitre 2

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La deuxième fois que je le vis, je fus sûre d'être folle.

Un rayon de soleil caressait langoureusement mon visage. Je gigotais sous ma couette pour m'en débarrasser, et ouvris les yeux pour découvrir ma chambre, ainsi que mon amie Kalya inondées par la lumière du jour. Je m'étirais et attrapais mon téléphone. Neuf heure trente. J'étouffais un bâillement. Avec Kalya, nous nous étions couchées à plus de trois heures du matin, après avoir passé la nuit à regarder des films avec des scénarios à coucher dehors et rit jusqu'à ce que mort s'en suive.

Le réveil était un peu rude. Prenant toutes les précautions possibles pour ne pas réveiller mon amie qui dormait profondément, je quittais ma chambre pour gagner la cuisine. J'attrapais la baguette qui reposait sur le plan de travail ainsi que le pot de confiture de pêche dans le frigo et je me fis quelques tartines. Je mangeais près de la fenêtre, le regard rivé sur deux merles qui se dandinaient sur une branche. Je terminais ma dernière tartine en vitesse. Je ne pouvais résister à l'appel de la forêt plus longtemps.

J'hésitais à retourner dans ma chambre pour prendre une douche et m'habiller. Je ne voulais pas sortir mon amie du sommeil, mais je savais aussi qu'elle avait le sommeil lourd. Et je ne pouvais pas sortir en mini débardeur et mini short. Problème résolue. En une quinzaine de minutes, j'étais prête à aller crapahuter dans les bois. Je ne pris pas la peine de laisser un mot pour Kalya, elle me connaissait par cœur, et elle connaissait mon affection pour les bois. Elle m'y retrouverait si elle le voulait.

Dès l'instant où je pénétrais dans ce labyrinthe de feuillage, je me sentis à ma place, chez moi. Lorsque j'étais enfant, je me réfugiais derrière le premier arbre que je trouvais sur mon chemin. Il s'agissait souvent d'un arbre de cette forêt, vu que j'avais passé toute mon existence ici. Je courrais au milieu des arbres, et personne ne me trouvait jamais tant que la forêt m'offrait sa protection. Je faisais ça régulièrement. Les autres enfants se moquaient de moi à l'école primaire, au collège et même au lycée parce que j'étais différente. Pas beaucoup, mais dès qu'un tout petit détail démarque une personne, elle est rejetée, parce que la différence est rarement acceptée.

Je n'avais pas à me plaindre, ma « différence » se limitait à mes yeux. J'avais un œil brun comme le caramel, et un œil vert comme la pomme. Je ne trouvais pas ça très joli, mais ce n'était pas moche non plus. Petite fille, tous les enfants me détestaient et me répétaient que je n'étais pas normale, que j'étais un démon, une sorcière, qu'il fallait me crever les yeux etc... Alors je pleurais et je venais dans les bois, où animaux et plantes cohabitaient et m'acceptaient comme j'étais. Au fur et à mesure que je grandissais, les remarques me passaient au-dessus de la tête et je m'en moquais comme de l'an quarante.

J'avais des parents exceptionnels, une meilleure amie tout aussi exceptionnelle, et ça me suffisait. Aujourd'hui, je ne me faisais plus aucun soucis à ce sujet, mais je n'aimais pas qu'on commente cette particularité. J'étais un peu timide aussi, ça devait jouer. Le plus important était que je m'acceptais comme j'étais, que je n'écoutais plus les horreurs que les gens pouvaient dire sur moi, et que ceux qui n'étaient pas contents de ça, et bien je les enquiquinais. Quand ma petite sœur était décédée, ce qui avait entraîné la séparation de mes parents, je venais également me réfugier dans les bois. J'y restais des heures, parlant avec Perle, ma sœur défunte, pour noyer mon chagrin et la faire exister encore un peu. Je restais à la maison le moins possible. Je ne supportais pas de voir mes parents pleurer et se déchirer. À présent que j'entamais la vingt-et-unième année de ma vie et que ma vie n'était plus qu'un long fleuve tranquille sans embûches, je continuais à entretenir cette relation avec mère nature.

Je m'enfonçais à travers les bois, sans peur de me perdre. J'avais toujours su retrouver mon chemin, et puis, je connaissais cette forêt comme ma poche. Mes lèvres roses telles des framboises bien mûres s'étirèrent en un sourire quand je découvris un petit écureuil sautiller de branche en branche à quelques mètres de moi. Je n'avais jamais eu la chance d'avoir un animal de compagnie, donc je ne connaissais pratiquement rien à ce domaine, mais j'appréciais la présence animalière. Les animaux agissaient différemment des hommes et pourtant, il existait quelques similarités qui me fascinaient. Regarder la faune évoluer dans son environnement me plaisait. Pas suffisamment pour que je laisse tomber mes études en lettres et langues, mais c'était tout de même un sujet intéressant.

ImpatienceSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant