Je sentais que l'on me regardait. La personne restait silencieuse. Elle se dirigeait vers le fauteuil situé à quelques mètres de ce lit d'hôpital qui était le mien pour peu de temps. Du moins je l'espérais.
Je me retournais tout doucement, les joues encore humides.
L'homme me tendait un mouchoir propre et soigneusement plié. Je le prenais et j'essuyais mes larmes.
- Bonjour June. Je m'appelle Mayeul et je suis ton grand-père.
- Bonjour.
Je trouvais qu'il n'avait pas tellement l'allure d'un grand-père. Il faisait encore assez jeune bien qu'il soit grisonnant. Ses vêtements n'étaient pas ringards et je m'en étonnais. Je l'imaginais plutôt avec des chemises en flanelles à carreaux et un pantalon de velours, sans compter une canne pour l'aider à se déplacer. Mais rien de tout ça. J'étais à la fois déroutée et déçue.
- Je suis désolé pour tes parents, me disait-il en avançant son corps vers moi. Si tu veux demain lorsque je viendrais te chercher la première chose que l'on fera c'est aller voir où ils reposent maintenant.
- Merci. Je veux bien oui. Vous êtes le père de maman ? demandais-je d'une voix mal assurée.
- Oui. Mais tu sais tu peux me tutoyer. Je pense que ce serait plus simple pour nous deux.
- D'accord. Mais comment dois-je vous enfin t'appeler ?
- C'est comme tu veux mais pas de monsieur. Ah oui et pas de Pépé non plus ! Beurk !
Je réussissais à sourire à ce qu'il venait de dire.
- Je me doute que tu as beaucoup de questions à me poser mais laissons cela pour aujourd'hui. Le plus important maintenant c'est de préparer ton départ.
- Mon départ ? m'exclamais-je.
- Oui. Je t'emmène chez moi.
- Mais c'est impossible j'ai tous mes amis ici et puis je veux être près de papa et maman.
- Je n'habite pas si loin que ça tu sais. Ma maison se situe à Roseville.
- Roseville ? Mais comment cela se fait-il qu'on ne t'ait jamais vu ?
- C'est une longue histoire. Mais je te promets de tout te raconter.
Je ne savais pas quoi penser de tout ça. Tout allait trop vite. Je n'arrivais pas à réfléchir. Je n'avais pas envie de changer d'école, de maison.... C'est vrai, je n'avais plus de maison elle était partie en fumée. J'avais peur de cet avenir. Je me sentais fatiguée et mes émotions me submergeaient par vague. Je me frottais le front, un réflexe lorsque j'étais nerveuse.
- Est-ce que tu sais si je peux récupérer des choses chez moi ?
- Je crois oui. Il y a des pièces qui n'ont presque pas été touchées par les flammes mais elle est néanmoins inhabitable. Nous demanderons aux inspecteurs pour y aller dès demain. Nous aviserons sur place sur ce que tu peux récupérer et sur ce qui pourrait te manquer.
- Oh ! Je n'ai besoin de rien. Je t'assure.
- De toute façon nous avons encore beaucoup de choses à faire avant de partir. Ce sera à toi de voir.
J'étais dans le hall de l'hôpital, j'attendais mon grand-père qui était parti signer les derniers papiers pour ma sortie.
J'avais dit au revoir et merci au docteur Mac Cole qui me souhaitait bonne chance pour l'avenir. Je n'avais plus d'avenir mais je m'abstenais cependant de le lui dire. Je n'avais pas envie qu'il me garde encore ici plusieurs jours. Pourtant j'étais en sécurité dans cet hôpital. Dehors je n'aurais plus de repères, je n'aurais plus personne.
Hier, en fin d'après-midi, un agent de police est venu me poser des questions mais je ne pouvais pas y répondre. Il me demandait si mes parents avaient des problèmes, s'ils se disputaient, s'ils avaient des problèmes d'argent ou même s'ils avaient des ennemis. Pourquoi toutes ces questions ? Ils ne croyaient quand même pas qu'ils avaient voulu se tuer en voulant m'emmener avec eux. C'était impossible. Mes parents étaient un couple solide. Pour l'argent, on n'avait pas à se plaindre. Des ennemis ? Je n'y croyais pas, mais, maintenant que mon grand-père était entré dans ma vie je me demandais ce qu'ils avaient pu encore me cacher.
Mon grand-père avait une voiture confortable et assez récente. Il m'a emmené au cimetière. Je n'osais pas descendre de la voiture, disons que je ne m'en sentais pas capable. Il est venu ouvrir ma portière et m'a tendu la main avec un léger sourire pour me donner du courage. Je la prenais en tremblant. Nous avons marché à travers les allées jusqu'à un endroit où se trouvaient deux monticules de terre recouverts de fleurs. Je levais les yeux et j'ai su que c'était là que dormaient paisiblement mes parents. Je m'effondrais, m'agenouillant sur le sol. Mes doigts agrippaient la terre alors que mes sanglots secouaient mon corps de toute part. Je souffrais de leur absence et l'incompréhension remplissait ma tête alors que la tristesse inondait mon cœur.
Mon grand-père attendait patiemment que je me calme. Il savait que je devais faire mon deuil et par la même occasion que je fasse sortir ma douleur. Je lui en étais reconnaissant.
Un peu plus tard nous avons pris le chemin de ce qui avait été ma maison. C'était terrible. Les fenêtres n'avaient plus de vitres et les flammes avaient léchées les murs en laissant de grandes trainées noires. Il ne restait plus rien de la cuisine, du garage et d'une partie de la salle à manger. Je ne pouvais pas entrer dans la chambre de mes parents qui étaient en partie brûlée. La mienne était intacte, les murs étaient noirs par la fumée et non par le bûcher. Une odeur insupportable régnait dans la maison. Je prenais un mouchoir que je mettais sur mon nez pour m'aider à respirer. Je prenais conscience que même si elle avait été habitable, je ne pouvais pas rester dans cette maison où rodait le souvenir de mes parents. J'attrapais un sac et y mettais tout ce que je pouvais récupérer. Il fallait que je parte d'ici le plus vite possible. J'avais réussi à prendre les albums photos de ma mère au salon. Je voulais un petit quelque chose d'eux avec moi.
Nous avons mis ce que nous avions trouvé dans le coffre de la voiture. Je ne pouvais pas récupérer mes vêtements, même si je les emmenais au pressing ils étaient foutus. Pour ma sortie de l'hôpital ma meilleure amie Mégane m'avait prêté un pantalon, un sweat ainsi que des sous-vêtements. Heureusement pour moi nous faisions la même taille.
Je suivais mon grand-père au centre commercial pour m'acheter une nouvelle garde-robe. J'étais réticente, je ne voulais pas être à sa charge. Je n'avais pas le choix, je devais trouver un travail pour me payer ce dont j'avais besoin. Je lui en parlerais plus tard. Pour l'instant le plus urgent était de faire connaissance avec le père de ma mère.
Nous nous sommes installés dans un hôtel du centre ville en attendant la fin de semaine. Le lendemain nous avions rendez-vous avec la banque, ensuite nous devions récupérer le reste de mes affaires ainsi que mon dossier scolaire au lycée.
- Je peux te demander quelque chose ?
- Bien sûr.
- Est-ce que je pourrais m'absenter demain après-midi, je voudrais dire au revoir à mes amis et est-ce que je pourrais avoir ton adresse pour leur donner ?
- Il n'y a pas de problèmes j'ai pas mal de choses à faire aussi de mon côté. Je te donnerai l'adresse demain.
- Merci. Sinon comment est ta maison ? demandais-je afin de savoir où je m'embarquais.
- Assez grande pour te recevoir correctement ne t'inquiète pas ! Tu auras une chambre pour toi et même ta propre salle de bain. Ça te va ?
- Je pense que oui.
Je me retirais pour pouvoir prendre une douche. J'allais ensuite me coucher. La journée avait été dure en émotion et je voulais me retrouver avec mon chagrin.
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L'incroyable destin de June St John
FantasiaTout allait pour le mieux pour June, du moins le croyait-elle. Sa vie s'écroule lorsqu'elle se réveille à l'hôpital et découvre avec horreur que plus rien ne serait comme avant. Elle doit faire face au deuil et à l'apparition d'un mystérieux gra...