Chapitre 4

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J'attends ce que tout le monde semble attendre. Les minutes passent, et mon avance deviens le retard d'Axelle. Les enfants retirent leurs jouets, croquent dans leur dernier morceau de cornet, et courent jusqu'à leurs parents. L'homme là-bas, termine sa deuxième cigarette. Le temps redémarre et je prends conscience que désormais, je serais seul. Vraiment seul.

C'était prévisible.

Que suis-je bête. Merde. Je m'amuse à récolter les regrets de peines que je me suis créé. C'est pas du beau travail ça ?
Je me mets en route vers nulle part. Dos à la fontaine, aussi loin que mes pieds me porteront. A la sortie du parc, je tourne à droite dans la rue du Commerce. Je pense encore, bien sûr que c'est impersonnel, mais je ne peux m'en détacher.

Hier, Axelle ne pleurait pas simplement. Elle appelait à l'aide. Elle m'appelait. Comme si je devais savoir quoi faire à sa place.

Je continue ma route en tournant à la première à droite, sur le boulevard des Amours. Ce dernier m'emmène sur la place marchande. Rue Montaigne, rue Proust.

-Sarah ? Demandais-je.
Une voix, la sienne, balbutiait quelques mots en provenance de la réserve.
-Bah t'as une petite mine aujourd'hui ! Toi, tu bouges plus. Cette fois je vais pas te laisser te sauver.
-Comme d'habitude s'il te plaît.
Je change de sujet avec le sourire, histoire de gommer ce qui préoccupe mon esprit. Seulement l'insistance de Sarah m'oblige à tout lui dire.
-Ah ça vas pas comme tu veux hein? s'amusait-elle.

En voyant que je ne souriais plus, elle redevint plus sérieuse:
-Tu vas pas te rentre triste quand même...
-Je ne suis pas triste, c'est elle qui souffre. Et tout ce que j'ai fait c'est me taire et baisser les yeux. Je pourrai rester loin de tout ça, mais je n'arrive pas à la sortir de mes pensées. Oui, c'est con. Mais je dois aller au bout.
C'est sur ces paroles que je repartais, mon café à la main.
-Reviens me voir quand t'auras du nouveau, moussaillon.

Elle voyait qu'elle arrivait à me faire sourire. Je n'en étais pas moins concentré.
Dans l'incapacité de faire quoi que ce soit, j'ai fini par rentrer chez moi après une courte ballade. Histoire de continuer un peu mon boulot. Me faire une raison, penser à autre chose. Ou plutôt, laisser tout ça dans un coin un peu plus éloigné de ma tête.

A vrai dire, je n'avance pas très vite. Je sais que je dois finir tout ça, pour le magasin. Seulement il y a toujours un "mais" à toutes mes phrases. Comme si je ne prenais jamais le bon chemin.

Alors tout les jours, je me replonge dans mon travail, j'y consacre tout , comme avant. Je reprends les choses en mains, comme il y a presque 3 mois.
Je ne me donne plus droit à une pause désormais. Je travaille plus, et la boutique tourne un peu mieux. Je me dis que c'était un moment de passage dans ma vie, et que comme toutes chose, c'était éphémère. Je n'ai pas la clé de l'énigme, alors je vais devoir me voir abandonner.
Je descends juste de temps en temps quelques rues pour voir Sarah, et boire mon café. C'est tout ce qui n'a pas changé depuis ces deux mois. Celui là, je l'aime bien. Mais du coup ma pause ne dure que quelques minutes, avant de revenir à mes affaires.

Je quitte ma petite routine, tire un trait sur mon petit soleil. Il ne sait pas passé grand chose à vrai dire, mais cette période détient une grande signification malgré tout. J'ai laissé le parc, la fontaine, le petit pont rouge. Chaque souvenir refait surface. J'ai laissé le troisième banc à gauche en partant de la fontaine. Je revois les oiseaux, le sable, les enfants qui jouent. J'ai laissé ces moments.

J'ai laissé Axelle.

Le début n'est pas le commencement. Axelle, c'est pas principalement la fille qui était assise paisiblement sur le banc là bas. Axelle, c'est celle que j'ai vu marcher dans la rue devant moi, un jour ou le soleil se laissait deviner qu'à moitié. Celle dont le parfum vous attire, celle dont le charme vous retiens, celle dont la beauté vous rend fou.

On m'avait conseillé d'aller au café de la rue Proust. Un ami m'avait dit que le café là-bas était le meilleur. J'avais donc décidé de m'y rendre, ayant terminé une de mes créations. C'est en sortant que je l'ai vue. Une petite blonde, un livre a la main, les cheveux dans le vent et son sac à l'épaule. Elle passait dans la salle au milieu des gens qui ne lui prêtaient pas la moindre attention. Comment ne pas avoir un faible ?
Après ma commande, je me suis retourné voir si elle était toujours en salle. Un peu plus loin, je la voyais pousser la porte d'entrée, un gobelet en carton à la main. Je me suis alors demandé ou elle s'en allait. Elle avait l'air décidée, elle savait ou elle allait.
Je me suis mis à marcher derrière elle, mon café à la main.

En effet, c'était le meilleur café de tout ceux que j'avais pu gouter durant toute ma vie.

-Allô ? Son téléphone était porté à son oreille.
-[...]
-Oui, c'est Axelle.
-[...]
-Oui, voilà. Dimanche soir.
-[...]
-C'est ça, alors à dimanche, bisou maman, je t'aime.

Axelle. C'est elle. Cet univers vague, coloré, opaque, plein. Mais elle le rétrécit, le noircit, et le montre vide en transparence. Elle est a elle seule les opposés confondus.
Ses talons la portent droits vers le parc. C'est ça le début de l'histoire. Son prénom encré en ma mémoire je la vois emprunter le sentier de sable clair jusqu'au troisième banc à droite, en partant de la fontaine.
Je m'assois sur le banc en face d'elle en évitant son regard. Mon but était quand même de paraître naturel.
Mais elle ne semblait pas se préoccuper de moi. Je l'ai vue replacer sa petite mèche, croiser les jambes, sortir un marque page rouge-orangé de son sac pour le glisser au début d'un livre qu'elle venait également de sortir.
Le temps est gravé. Il était marqué, inscrit, désormais prédisposé. C'était comme ça, pas autrement. Rangé dans un jeu dont j'étais dès lors le seul au courant.

Depuis ce jour, et ce pendant trois mois, je n'ai pas arrêter de venir m'assoir sur ce même banc. J'ai du être rapidement repéré, à force de venir face à elle chaque fois. Pour moi ça allait devenir habituel, pour elle c'était nouveau. Quelqu'un sur ce banc, devant. De tout ceux de l'allée, pas celui du bout ou à sa gauche. Celui là, en face. Du jour au lendemain pour tout les autres lendemains qui suivraient.

Axelle (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant