Chapitre Dix-Sept

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Tout à coup, je l'aperçue. Elle se tenait debout, face à la mer, les cheveux au vent sur la grande crique de mon enfance. Celle où j'aimais me réfugier quand je me sentais seule. Là-haut, la vue était splendide. On voyait la mer et ses grandes vagues. L'horizon était parsemé de petits arbres à peine plus grand qu'une fourmis. Cette hauteur nous procurait un sentiment de grandeur mais aussi de vulnérabilité. La liberté qui vous envahit était telle qu'elle vous donnait envie de sauter du sommet de la falaise. Ma mère pleurait. Je ne l'avais jamais vue pleurer. Cette tristesse me possédait à mon tour et des larmes perlaient aux coins de mes yeux.


« Je suis contente que tu sois là, déclara-t-elle, mais je ne peux même pas te regarder en face. »


Ses paroles me coupèrent le souffle. Je ne pus les retenir : maintenant mes larmes coulaient abondamment. J'aurais aimer lui parler, lui dire que j'étais désolée, que j'aurais préféré mourir à sa place mais une boule se forma dans ma gorge et mes cordes vocales restèrent aphones.


« J'aurais tout donné pour toi, tout ! Mais tu as causé ma perte. C'est difficile de l'admettre, tu es ma fille, la chair de ma chair,mon bébé, mon tout ! Et pourtant tu m'as tuée ... »


Ses paroles de trahison me blessèrent. Mon cœur se fendit encore bien qu'il n'en restait que quelques morceaux. Sa voix se faisait de plus en plus dure à mesure qu'elle parlait. J'avais l'impression qu'elle m'envoyait des morceaux de parpaing à la figure. Ma tête se fissurais et une douleur abominable commençait à se répandre à travers mon cerveau. Dans un ultime effort, je parvins à lui poser cette question :


« Que fais-tu ici ? »


Elle se tourna vers moi en fixant un point dans le ciel azur. J'aurais voulu qu'elle me regarde dans les yeux, j'aurais voulu voir ses pupilles se dilater pour savoir si elle m'aimait toujours, j'aurais voulu qu'elle me réconforte, j'aurais voulu ... J'aurais tellement voulu ! Ses yeux s'abandonnèrent à leur contemplation et bientôt,elle pleurait. Les larmes qui sortirent de ses yeux étaient ...rouges ? Oh mon dieu ! Ma mère pleurait du sang. Son visage se transforma alors et les meurtrissures de l'accident refirent surface et vinrent se placer sur son visage. Toutes les couleurs de ce dernier disparurent soudainement et une teinte violacée vint couvrir l'entièreté de sa peau. Je hurlais à ne plus avoir de voix. Pour être sûre de ce qu'il se passait je regardais sa main :elle se décrocha du poignet et s'évanouit en cendre. Tout son bras la suivit se transformant en fumée noire. Elle tomba à la renverse du haut de la crique dans ce qui me semblait être la mer mais l'eau se transforma en nuage des ténèbres qui engloutit le cadavre tuméfié de ma mère. Dans un dernier souffle, elle me cria :


« ASHLEY ! »


Je me réveillai en sursaut, le visage et le dos dégoulinant de sueur. Tristan était à califourchon sur moi et me tenait les épaules.Maintenant je me souvenais, c'était lui qui avait crié mon nom. Je ne fis même pas attention à sa position sur moi. Lui l'avait remarquée puisqu'il descendit et vint s'asseoir à côté de moi sur le lit. Ma respiration étaient saccadée et mes larmes jaillirent sans autorisation, il m'était impossible de les contrôler. Je me tournai pour que Tristan ne les voit pas et enfouit mon visage dans son oreiller. Il vint perturbé le silence :


«Qu'est-ce qui t'es arrivée ? Pourquoi as-tu crié ? Tu as fait un cauchemar ? »


S'il suffisait d'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant