Chapitre - I

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Le Camarade-Caporal Loskev courait à en perdre l'haleine, ses bottes claquant sur le sol poussiéreux de la ville en ruine. Seul et presque à court de munitions, le soldat n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait. Cela faisait une bonne dizaine de minutes depuis qu'il avait pris la fuite, après avoir vu le reste de son escouade se faire décimer. Mais perdu dans les ruelles étroites il pouvait très bien être juste à côté de la base, comme être revenu à son point de départ. Tout ce qu'il savait, était qu'un groupe de soldats hostiles se trouvait quelque part derrière lui et qu'il devait leur échapper.


Tel un charognard, le soleil brillait sans faiblir, répandant partout sa chaleur écrasante, rendant le moindre mouvement difficile. Ruisselant de sueur, à bout de souffle, Loskev s'accorda une pause; cherchant un peu de fraîcheur, il s'adossa contre un mur ombragé. Le vent sifflait doucement tandis qu'au loin on entendait le canon tonner. Toujours assis, Loskev sentit le sol commencer à vibrer légèrement.



Par réflexe, il bondit sur ses pieds et fouilla l'endroit du regard: un peu plus loin, la ruelle faisait un coude pour contourner un bâtiment à moitié en ruine. De l'autre côté, hors de vue, on pouvait entendre un bruit inquiétant: "clac", "clac", le claquement des pattes mécaniques sur le béton... 



"Blya !* D'abord le barrage d'artillerie qui détruit l'abri, puis l'embuscade et maintenant un marcheur, décidément, c'est ma journée..." cracha le soldat entre ses dents.



Tout en monologuant sur le fait que cet imbécile de Petrov s'était fait descendre avec le sac de munitions, Loskev délaissa son pistolet au profit du lance-missiles qui était accroché dans son dos. Puis, en enfonçant sa dernière roquette, il chercha un abri.



Le claquement s'accentua, le marcheur se rapprochait, ce n'était qu'une question de secondes avant qu'il ne surgisse dans la ruelle. À couvert derrière un muret, Loskev avait l'avantage de la surprise, mais si l'ennemi évitait ou survivait à son tir, il était cuit...



L'ombre du blindé se dessina sur le sol, elle était trapue, deux petites jambes surmontées d'une grosse caisse blindée. Loskev esquissa un sourire, un Fire Toad, un marcheur de reconnaissance et de soutien à l'infanterie, le genre à ne pas avoir un blindage très épais. Un instant plus tard, le petit blindé apparaissait au bout de la ruelle.



Il attendit encore une seconde, le temps que le marcheur remplisse complètement la ruelle, puis il pressa la gâchette.



Dans un nuage de fumée blanche, la roquette jaillit du tube pour foncer droit vers le Fire Toad. Sans aucun système de visée, l'arme de Loskev était aussi archaïque qu'imprécise, mais elle emportait une charge creuse tellement puissante qu'elle pouvait traverser des blindages de croiseurs spatiaux. Un battement de cœur plus tard, le projectile toucha le blindé de plein fouet, l'engloutissant dans une boule de flamme, tandis que l'onde de choc soulevait un nuage de poussière.


Une fine couche de sable orange retomba sur Loskev, qui toujours terré derrière le mur, attendait la riposte. Les secondes passèrent sans le moindre mouvement hostile, avait-il vraiment réussi son coup ?



Rongé par l'angoisse et la peur, il releva timidement la tête. Le marcheur était en flamme, la roquette avait touché le poste de pilotage de plein fouet perçant la fine plaque de blindage et tuant le pilote sur le coup. Pour la première fois de la journée, Loskev s'autorisa à sourire.



Puis les flammes atteignirent les réserves de munitions du Fire Toad...



L'explosion qui suivit fut bien plus forte que la première, réduisant le marcheur en miettes. Des débris furent propulsés dans tous les sens, la dernière chose que vit Loskev fut un morceau de blindage arriver droit vers lui, puis tout devint noir.

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*Blya ! : Merde ! (en hadésien)

Les Sables Rouges d'AtaléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant