Les Sables Rouges d'Atalée

Chapitre - II

"Siffle le vent, hurle la tempête. Souliers cassés et pourtant il faut continuer..." *

Quand Loskev revint à lui, une femme chantait à ses côtés, sa voix était douce et chaude, comme si elle pouvait réchauffer le cœur de ceux qui l'écoutaient.

Depuis son arrivée sur Atalée,il était allé de désillusions en désillusions, et entendre cette femme chanter berçait son cœur blessé de patriote. Il était allongé sur un brancard dans un hôpital de fortune, sa tête lui faisait un mal de chien et il avait l'impression d'avoir été roué de coups, mais bon dieu, qu'elle chantait bien ! 

"... en agitant son drapeau rouge. Nous sommes libres et victorieux." *

Ce n'est qu'à la fin de la chanson que Loskev s'autorisa à ouvrir les yeux et à tourner la tête: c'était bien une femme qui était allongée sur le brancard à côté de lui. Elle avait de longs cheveux blonds qui tombaient sur son visage couvert de bandages, son uniforme était couvert de sang et sa jambe gauche avait été sectionnée au niveau du genou. Loskev grimaça, elle avait dû déguster pour finir dans cet état...

"Ils n'ont pas été de mains mortes pas vrai ? La femme avait tourné la tête vers Loskev et le regardait fixement, attendant visiblement une réponse de sa part.

- Faut croire que les fascistes n'aiment pas ta musique, camarade."

Un sourire se dessina sur son visage, un beau sourire franc, un comme Loskev n'en n'avait pas vu depuis longtemps.

"Si j'avais su, j'aurais peut être dû chanter quand ils ont envoyés les obus de 150, j'aurais peut être gardé ma jambe...

- Mais je n'aurais pas pu t'entendre chanter camarade." Rétorqua-t-il, un brin moqueur. 

Un nouveau sourire. 

"Au moins j'ai gagné un fan..." 

Cette fois, ce fut au tour de Loskev de sourire. Quand il avait détruit le Fire Toad, il avait sourit parce qu'il avait pu venger ses compagnons, parce qu'il avait tué un autre Homme. En ce moment il souriait parce qu'il était heureux.

"Et au fait camarade, comment as-tu atterri ici ? Avec le même regard, la jeune femme avait relancé la conversation.

- Ah ça..., Loskev hésita, disons que les blindés fascistes ont tendance à exploser à notre gueule...littéralement.

- Un conseil camarade, évite de dire ça quand le commissaire politique te posera la question...Enfin, c'est aussi vrai que les marcheurs U.N.A. sont en carton pâte.

- Pour sur ! Les seuls vrais blindés viennent d'Hades ! Le reste c'est de la camelote !

- Oh ? Alors tu es un véritable krasny** ? Je croyais que vous étiez tous moustachus et brun ?" 

 Loskev éclata de rire, c'était une sacré bonne femme ! Elle avait perdu une jambe et trouvait encore la volonté de se moquer d'un hadésien ! Enfin, elle n'avait pas tort non plus, la majorité des habitants d'Hades étaient bruns et portaient fièrement leurs moustaches. Avec ses cheveux châtains et sa modeste barbe de trois jours, il ne collait effectivement pas à l'image type du krasny**...

Ne voulant pas être le seul sujet de conversation, il posa la même question;

"Et toi ? Tu es d'où camarade ?

- Ah ... moi je suis des plateaux volcaniques de Mauve... Du coup, ici j'ai un peu l'impression d'être au paradis..."

Loskev ne répondit pas, il n'y avait rien à dire. Mauve avait payé son indépendance au prix le plus fort, la guerre civile contre les forces de l'U.N.A. avait duré des années et fauché des milliers de vies, la planète elle même était en ruine. La vie sur Mauve exigeait une forme physique parfaite et un mental d'acier, pas étonnant qu'elle ne se plaignait pas de sa jambe...

Les deux parlèrent encore quelques temps, échangeant des banalités sur leurs planètes d'origine. À aucun moment ils ne se demandèrent leurs noms ou leurs grades, dans cette hôpital ils étaient deux soldats blessés pour la mère patrie, ils étaient égaux.

Puis des infirmiers emmenèrent la femme dans une autre pièce, une fois de plus, Loskev se retrouva seul. Sans vraiment s'en rendre compte, il finit par fermer les yeux et s'endormir, tout en repensant à la chanson qu'il avait écouté.  

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* Paroles de Fischia il vento (Le Vent Siffle), une chanson populaire italienne, qui fut aussi un des hymnes de la résistance communiste sous le régime de Mussolini. 

** Krasny (Rouge en hadésien), surnom donné aux soldats originaires d'Hades, par extension, il désigne n'importe quel soldat d'infanterie.