"Caporal ?"
Loskev ressassait encore et encore sa conversation avec le sergent, si bien qu'il n'avait pas entendu Istir approcher.
Le gamin portait sur son dos un gros sac de toile et l'on pouvait entendre distinctement le tintement du métal qui s'entrechoquait à l'intérieur.
Encore dans ses pensées, Loskev mis quelques secondes à réaliser: il portait un sac plein de roquettes !
"Bozhe Moi* ... soit t'es complètement stupide, soit tu veux mourir..."
Sans pour autant perdre son sourire, Istir lui demanda pourquoi.
"Pourquoi ? ricana Loskev. Peut-être par ce que tu portes des roquettes à charges creuses comme si tu portais des patates ! Ce genre de machin est conçu pour exploser au moment où il percute sa cible, mais vu que les gens qui les fabriquent sont à peu près aussi malins que toi, elles explosent aussi si tu les fais tomber..."
Le caporal était encore plus abattu qu'avant, c'était presque criminel de confier une arme à un gamin pareil...
"Vous devez être en colère..." Istir avait parlé d'une toute petite voix, comme un enfant qui vient de se faire crier dessus.
Loskev soupira bruyamment, bien sûr qu'il était en colère !
"Ecoute-moi-bien gamin, je ne sais pas ce que tu t'imagines, mais si tu ne te fais pas exploser avant, on sera bientôt sur la ligne de front. En face de toi, il y aura des gars expérimentés, qui ne penseront qu'à une seule chose: te tuer. Tu es quelqu'un de bien, tu as mieux à faire que de crever comme un chien, t'as pas une famille à rejoindre ? Une copine à galocher ?"
Loskev regretta aussitôt ses paroles, passer ses nerfs sur Istir n'allait rien changer à la situation.
"Vous savez caporal, je ne voulais pas être ici... Personne ne le voudrait. Ma petite amie ne voulait pas se vider de son sang pendant que les soldats de l'U.N.A se foutaient de sa gueule. Ma famille ne voulait pas mourir pendant qu'on bombardait notre maison. Pourtant ils sont tous morts ... alors si je peux tuer ne serait-ce qu'un seul de ceux qui ont fait ça, juste pour voir dans ses yeux à quel point lui non plus ne voulait pas mourir, ça me suffit. Peu importe le vainqueur, le Red Block, l'U.N.A, vous ne valez pas mieux l'un que l'autre. Tout ce que je sais c'est qu'India-2 n'est plus qu'un champ de ruines, un champ de ruines et un putain de charnier géant. Alors maintenant, je m'en fou de survivre, tout ce que je veux c'est me venger..."
Tout en parlant, le gamin avait fondu en sanglots, il reniflait bruyamment et son visage était couvert de larmes.
Au fond de lui, Loskev voulait le secouer, lui dire que mourir ne changerait rien, mais comme avec le sergent, il n'en n'eut pas la force.
Alors il fit la seule chose qu'il pouvait faire pour aider le gamin...
Le caporal se redressa et aboya plus qu'il ne parla:
"Soldat Istir Kalavech, relevez-vous. Un Krasny ne pleure pas, un Krasny se bat. Et surtout, un Krasny porte correctement son sac de munitions ! T'as compris ? Alors t'as intérêt à te bouger parce que je vais faire de toi un vrai soldat ! Je ne vais pas laisser un gamin comme toi crever !"
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* "Mon dieu !" en hadésien
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Les Sables Rouges d'Atalée
Ciencia FicciónAT-43, depuis plus de cinquante ans, les forces révolutionnaires du Red Block affrontent la dictature fasciste de l'U.N.A. Ce conflit idéologique prend une tournure dramatique lorsque suite à une succession de grèves, une partie de la population de...