Chapitre XII : Chasse humaine

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Cour du château de St-Germain en Laye, 21 juin 1670

Le jour de la chasse, Louise se leva avec une boule douloureuse au ventre. Elle n'avait pas envie de se lever. Elle avait passé toute la journée de la veille dans sa chambre à s'en faire pour le lendemain. Elle avait décliné toutes les invitations et même ses femmes de chambre n'avaient pu la tirer du lit. Si elle le pouvait, ce matin, elle serait bien restée au lit toute la journée également. Mais le roi et ses femmes de chambre en avaient décidé autrement.
Charlotte et Adélaïde la réveillèrent à l'aube en la pressant de se lever. Elle lui firent sa toilette et l'habillèrent alors qu'elle n'était pas encore totalement réveillée. Elle avait encore l'esprit brumeux lorsqu'elle sortit de ses appartements. Un domestique la conduisit jusqu'aux écuries.
Elle portait une robe plus légère en coton et ses vielles bottes en cuir. Cette fois, elle ne devrait pas monter à la façon d'un homme mais en amazone.
Enfin, Adélaïde lui avait fait une magnifique natte qui lui arrivait dans le bas du dos.

Le bruit que Louise entendit lorsqu'elle arriva aux écuries ne la rassura pas. On entendait un bruit sourd de conversations, de hennissements et de cris.
Lorsqu'elle entra, une femme lui tomba dessus :
- Louise !
- Marie ? Que fais-tu là ?

Sa sœur regarda nerveusement aux alentours et l'entraîna par le bras dans un recoin de l'écurie. Les deux femmes étaient coincées entre un immense tas de foin et une poutre en bois. Elle jeta de nouveau un regard puis ouvrit la bouche :

- Je m'inquiète beaucoup pour toi Louise. Cette... cette invitation. Tu aurais du refuser. C'est trop dangereux.

Louise sentit l'exaspération monter en elle.

- Crois-tu que je n'ai pas essayé ? Crois-tu que j'ignore les dangers ? Et crois-tu que je veux faire partie de cette chasse ? Pas le moins du monde. Mais j'y suis obligée. Alors ce n'est pas la peine de compliquer les choses.

Marie fut surprise de voir sa sœur lui répondre sur ce ton mais elle se radoucit et s'excusa :

- Tu as raison. Excuse-moi. Je suis nerveuse, je m'inquiète pour toi. Tu sais que la favorite est de la partie. Et maintenant que le roi t'a remarquée... Fais attention. As-tu la dague que maman t'a donnée sur toi ?

- Oui... Je... Mais, comment es-tu au courant pour cette dague ?

- Cela n'a pas d'importance. Garde-la bien près de toi.

- Mais enfin Marie ! Je sais que cette chasse est dangereuse mais tout de même, la Montespan ne va pas sauter de son cheval en pleine chasse pour me planter une dague dans le cœur et tout ça devant le roi. Et puis, si elle était si dangereuse que ça, il y aurait des meurtres tous les jours à la cour.

Marie sembla exaspérée face à la naïveté de sa sœur et répondit :

- Bien-sûr qu'elle ne va pas le faire elle-même et en face du roi. Mais elle a des gens à son service. Et puis une chute de cheval est si vite arrivée, elle pourrait faire croire à un accident. Et puis, il y a bien plus de disparitions à la cour que tu ne le croies. On fait simplement semblant de ne pas l'avoir remarqué. On invente des excuses pour ces disparitions et tout le monde feint de les croire car c'est ce que veux l'étiquette.

Louise remarqua que sa sœur utilisait "on" lorsqu'elle parlait de cet endroit. Comme si elle appartenait à la cour et qu'elle ne pouvait s'en défaire.
La jeune femme compris alors que sa sœur n'était peut-être pas des plus heureuse ici mais qu'elle était prisonnière de cet endroit.
À cet instant, Marie semblait méconnaissable. Elle parlait vite et ses yeux furetaient partout à la recherche d'une oreille curieuse. On était si loin de son calme habituel. Louise commença à la prendre vraiment au sérieux. Ce qu'elle lui dit ensuite acheva de l'effrayer :

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