La Couturière

4.Le corbeau

-Non Augustin, n'insistez pas je vous prie, s'écria la jeune femme qui commençait quelque peu à s'énerver.

-Mais pourquoi, demanda le jeune homme. Quelle utilité peut bien avoir cette bête. Elle est encombrante  et inutile.

-Augustin, je vous conseille d'arrêter immédiatement, dit-elle fermement en lui lançant un regard noir. Vous ne savez pas ce que cette "bête", comme vous la nommez si bien, représente pour moi. Et en ce cas je vous prierai une dernière fois de stopper toute proposition concernant mon corbeau. Sans ça je ne pourrai plus garantir votre sécurité à bord de ce navire. Est-ce bien clair ? 

Augustin bouche-bée ne sut quoi répondre et resta simplement figé sur place tandis que la jeune femme s'éloignait d'un pas vif. Elle était certainement partie retrouver ce John, pensa Augustin avec une pointe de jalousie. Il ne comprenait pas comment une jeune femme pouvait avoir de telles fréquentations et même si cela le désolait elle avait raison sur un point, il ne pouvait certes pas survivre sur ce bâtiment plus de quelques jours si elle n'était plus là. Les hommes sur ce navire la tenaient en haute estime et avaient l'air d'avoir à son égard un curieux mélange de respect et de crainte. Augustin ne se rendait pas vraiment compte de la puissance de la jeune femme, bien que n'importe quel idiot aurait été capable de dire qu'elle dégageait une aura de grandeur et de pouvoir.

Ce dont Augustin ne se rendait non plus pas compte, c'est qu'il avait été particulièrement irritant pour la sorcière ces derniers jours. Bien sûr ce n'était pas intentionnel et pourtant Admonestia avait du mal à supporter sa méfiance et parfois ses colères. Au début elle n'y faisait pas attention et mettait ça sur le fait qu'ils étaient sur un autre navire, truffé de pirates qui plus est, mais à présent sa paranoïa l'éreintait et depuis qu'il s'attaquait à son corbeau, elle avait beaucoup de mal à ne s'emporter et à ne pas le laisser à la merci des brigands.

Une fois sorti de ses pensées, Augustin se précipita à la suite d'Admonestia. Il vit la jeune femme entrer dans la chambre du capitaine et se demanda s'il pouvait toquer à la porte ou si cela les dérangeraient. Et puis zut, ce n'était pas son problème si ces deux-là étaient interrompus pendant quoi que ce soit. Ce fut John qui lui ouvrit, l'air sombre et la mine grave.

-Que faites-vous là ? demanda-t-il.

-J'aimerai voir mademoiselle Admonestia, je sais qu'elle est ici, dit-il en essayant d'entrer de force.

Malgré tout, John ne voulait pas le laisser entrer jusqu'à ce qu'une voix retentisse.

-C'est bon John, laisse le entrer il a le droit de voir.

La pièce était plongée dans l'obscurité et seules les lumières dégagées par les bougies disséminées un peu partout permettaient de voir. Une petite table ronde était dressée au milieu de la pièce et dessus était disposé toutes sortes d'ingrédients et d'outils. La jeune femme assise près de la table tenait et mélangeait des cartes. Lorsque Augustin s'approcha, la sorcière le fit signe de la tête de s'asseoir à l'autre bout de la table et il put ainsi distinguer une carte maritime au milieu des autres objets étranges. Un croassement fit sursauter Augustin qui se rendit compte de la créature perchée sur l'épaule d'Admonestia. Décidément cet animal ne semblait pas enclin à lui laisser un seul moment de répit. Augustin n'était pas très friand de ce genre d'animaux, plus encore lorsqu'il s'agissait d'animaux tenant compagnie à des sorcières, enfin une sorcière en l'occurrence mais ce n'était pas plus rassurant. Augustin continuait de fixer l'oiseau d'un air méfiant et il avait la désagréable impression que le volatile en faisait de même quand Admonestia tira des cartes sur la table, attirant ainsi son attention. La première carte abattue représentait une jeune femme à bord d'une barque.