Il ne faudrait jamais décevoir sa copine

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Il ne faudrait jamais décevoir sa copine. J'ai compris ça trop tard.
Une fille amoureuse, elle peut tout encaisser ou presque.  Elle peut tremper de larmes des paquets de kleenex et regarder quand même son copain avec au fond des yeux ces lumières magiques qui l'éclairent autrement, arrivent à lui faire croire qu'il est super-intelligent, irremplaçable, unique au monde. Parce que, tant qu'elle l'aime, elle y croit, elle aussi.
Mais le jour où les projos se brisent, le jour où c'est fini, la lumière enchantée, le jour où elle dit Je m'en vais alors on peut lui dire adieu. Vraiment.
Les filles, quand elles partent, elles ne reviennent pas. C'est chiant, mais c'est comme ça.
Elles laissent derrière elles des types en morceaux, qui regrettent après coup, qui se poignarderaient tellement qu'ils s'en veulent, d'avoir joué aux cons.
Des mecs seuls pour de bon.
Être le préféré, on s'y fait bien je trouve. Quand c'est fini, ça manque. Les journées sont plus vides, il y a des heures en trop. Quand on déçoit sa meuf, elle remballe aussitôt le podium qu'elle avait fait pour nous, tout exprès, avec une seule place et un beau tapis rouge.
Fin de la représentation. Merci d'être venu.
Après, plus rien à faire pour sauver l'appareil, c'est le crash assuré. On se retrouve loin, très loin, en dessous du niveau de la mer, enterré dans la vase. Complètement mazouté.

Je les reverrai longtemps les yeux de ma Lola, le jour où elle a cessé de me prendre pour le mec le plus beau et le plus gentil du monde.
C'était l'inverse des histoires pour petits : Lola, elle a changé d'un coup mon carrosse en citrouille. J'étais un prince charmant, un dieu vivant, et dix minutes après je me suis retrouvé dans la peau d'un putain de crapaud misérable. Je me sentais minable et couvert de pustules.
Je me suis trouvé moche et j'ai pas aimé ça.

C'est peut-être pour ça que je trouve ma vie chiante. Pas seulement à cause des boulots de trois jours, et des heures à rien foutre sur le bord du canal ou bien chez mes parents. Mais pour le vide, aussi, parce que j'attends personne. Parce que personne ne m'attend.

Vivement l'avenir de Marie-Sabine Roger, p126-127

Recueil personnelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant