XXXI.

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Février 2016, quelque part en France.

Point de vue de Sarah Duval.

Pendant de longues minutes, des coups de feu et des cris résonnent à l'étage. De tous les fonds sonores qui existent, je peux affirmer sans hésiter que c'est le plus effroyable de tous ceux que j'ai entendu. Prise de panique, je resserre progressivement la pression de mes doigts autour du téléphone jusqu'à me faire mal. Les yeux rivés sur l'escalier, je n'arrive pas à me concentrer sur quelque chose d'autre. Seule la respiration lourde de Sam me déconcentre de temps à autre. Depuis que les garçons sont montés, il ne dit plus rien. Si Peter avait été là, je suis sûre qu'il m'aurait rassuré. Mais Sam n'est pas Peter alors je n'ai pas le droit de lui en vouloir. Sans réellement m'en rendre compte, je tourne la tête vers Sam. Le brun a la tête légèrement penchée en avant et les yeux clos. Ses deux mains sont ouvertes juste en face de lui. Par moment, il abaisse un doigt de sa main droite, et à d'autres moments, il lève un doigt de l'autre main. Les sourcils froncés, j'observe son manège pensant que cela me ferait oublier la tuerie à l'étage. Mais soudain, je comprends ce qu'il fait. Sam est entrain de compter sur sa main droite, les personnes qui se font tués au dessus de nous, et avec l'autre main, il énumère ceux qui semblent être encore debout. Stupéfaite par son calme glaçant, je suis inlassablement le mouvement de ses doigts en priant pour qu'il ne compte que les morts ennemis.Soudain, les bruits cessent. Un silence lourd et angoissant s'installe peu à peu. Je lève les yeux vers l'escalier plongé dans une noirceur effrayante. Que se passe-t-il ? Finalement, les bruits de tout à l'heure étaient rassurants : cela prouvait qu'il y avait de la vie... Mon cœur cogne de plus en plus fort contre ma cage thoracique.

« C'est terminé, » murmure Sam en fixant le plafond.

Je tourne vers lui un visage interloqué et en proie à lapanique. Terminé, oui mais dans quel sens ? Qui a « gagné », sije puis dire ça comme ça ? Pourquoi Sam a-t-il une mine aussi grave ? Tout à coup, j'entends quelqu'un redescendre les escaliers au pas de course. Maladroitement, Sam m'attrape le bras et me cache dans la pièce où les quatre soldats ont été « mis hors d'état de nuire ». Avant qu'il ne quittela pièce, je le vois dégainer une arme. Mon Dieu, que s'est-il passélà-haut ? Qu'a-t-il entendu que je n'ai perçu ? Incapable de faireautre chose, je ferme les yeux et attend. Je ne sais pas ce qu'il va se passer,c'est la pire des tortures.

« Détend-toi mec, ce n'est que moi, dit tout à coup la voix enjoué de Alex.

- Désolé, pas de blesser ?

- Juste quelques bobos. Où est Sarah ?»

Je sors de ma cachette encore tendue par les récents événements. Jordan a une vilaine coupure au dessus de l'œil mais il n'a pas l'air de s'en soucier. Il a au contraire un grand sourire scotché sur le visage. Il passe le bras de Sam autour de ses épaules et monte les marches. Je suis les garçons, le cœur battant. Nous débouchons dans une vaste pièce éclaire par la lumière du soleil. Mes yeux mettent quelques secondes à s'adapter àl'éclairage. Enfin je peux prendre connaissance de mon environnement. A ma droite, trois matelas sont alignés contre un mur en bois. Le cadavre d'un jeune garçon en treillis est étalé sur l'un d'eux. Un flot impressionnant de sang coule depuis les deux énormes trous sur sa poitrine. Sa mort a été tellement brutale qu'il n'a pas eu le temps de fermer ses yeux. Mais le plus horrible c'est que je connais ce garçon : c'est celui qui était avec Tom le jour où ils ont essayé de m'enlever à la Rochelle. Nathan m'a dit qu'il s'appelle Matt, enfin il s'appelait. Je détourne la tête horrifiée et je plaque une main sur ma bouche pour m'empêcher de vomir. Je visualise la porte face à moi et commence àm'en approcher mais des murmures sur ma gauche attirent mon attention. Tom est affalé contre un mur, le visage extrêmement pâle. Son sang est entrain de se propager sur son t-shirt clair et au niveau de sa jambe droite. Tilian est accroupi près de lui, un bras en piteux état, son arme au poing. Difficilement Tom articule quelques mots :

Une vengeance à haut risques.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant