Tableau du matin

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Un homme tuerait pour avoir ma place dans ce lit, en ce moment. Avec toi qui dors toute nue, le ventilateur qui tourne et la vue sur le Mont-Royal. Y'a l'odeur d'hier qui flotte encore, le vin qui traîne par terre et les draps qui ont été marqués, je crois, d'une certaine forme d'histoire.

Je nous ai fait des toasts et du café, ça sent un peu. J'sais pas trop c'que j'attend pour te réveiller, j'te regarde dormir et j'ai pas vraiment envie, en fait, que tout cet univers change. Quand tu ouvriras tes yeux, ce sera plus vraiment pareil. Parce que je n'aurai plus ce tableau à moi seul.

Y'a un sentiment égoïste, quand je te vois, qui prend place en moi et qui se frotte sur mon coeur. J'aime pas vraiment ça, j'me sens mal en fait. Comme si je n'avais que toi, et que t'avais que moi. Mais c'est pas ça. L'amour c'est pas ça. L'amour c'est ce tableau que j'ai, là, juste devant mes yeux. C'est ce moment précis, assis sur le lit à te regarder dormir, à me faire fouetter la face par l'air glacé du ventilateur. À sentir l'odeur des toasts et du café, à regarder nos folies d'hier soir qui dorment encore sur le plancher. À fredonner du Jimi Hendrix dans ma tête. Tout ça, sous les yeux du Mont-Royal.

c'est çaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant