c'est ça

Peter Pan

Il m'est apparu un soir d'octobre, pieds nus sur mon toit couvert de feuilles jaunes. Je l'ai laissé entrer par la grande fenêtre de ma chambre, le soleil se couchait sur ses taches de rousseur, un sourire se cachait dans l'ombre de son visage. Ses boucles châtaines couvraient son front taché de vécu et je l'ai bordé dans mon lit fatigué.

Je me fis toute petite, mes chaussons rampant sur le plancher craquelant, en entrebâillant la porte de ma chambre qui s'illumina faiblement par la lueur de la veilleuse du grand corridor. Le soleil s'éteignît derrière les rideaux de soie, un garçon soupira sous mes draps de coton.

Tout doucement, l'ambiance changea; comme quand on laisse jouer la berceuse calme d'une boîte à musique. Ou quand une mère chantonne, à bout de souffle, un refrain de son enfance. Mes doigts coururent entre les cheveux du vagabond, puis dans son cou, puis sur son dos courbé. Jamais il ne cligna, jamais il ne ronfla.

Mon enfance disparût en valsant avec son souffle glacé, qu'il cherchait à rattraper, même s'il n'était éveillé que par celui-ci. Je passai cette nuit-là à le regarder dormir et trembloter, pivoter à gauche puis à droite sans jamais arquer un sourcil. Ses pieds tous sales semblaient pleurer au pied du lit découvert.

Par la fenêtre j'aperçu l'étoile polaire et je pensai à Peter Pan. Puis au jeune itinérant qui dormait profondément, entre les draps d'une fillette qui me glissait entre les doigts. Cette nuit-là je voulais qu'elle s'éternise, comme si l'arrivée du soleil aurait fait de moi une grande personne. Une grande personne qui s'occuperait d'un jeune presque démoli, qui, sans le savoir, se serait empiffré de ma vie de jeune fille petit à petit. Cette nuit-là, j'aurais aimé que Peter Pan m'emmène au Pays Imaginaire et qu'il me couvre de jeunesse à ne plus vouloir en partir.