9/ Premières larmes

2.9K 236 23
                                    

Des voix, sauveuses et autoritaires, s'approchèrent au son de mes appels désespérés. Deux ombres, l'une immense et l'autre plus fine et petite, se frayèrent un chemin entre mes cris. La première chose que je pus voir entre les perles de mes larmes fut la silhouette gigantesque d'Hagrid, le garde-chasse. Il souriait naïvement, caressant son chien aussi gros qu'un cheval, avant de ravaler sa joie en voyant le sombre spectacle qui l'attendait au bout de mes S.O.S. Il était accompagné de McGonagall, portant son éternel chapeau troué et sa robe de sorcier trop large pour sa carrure amaigrie et vieillie. Leur conversation devait porter sur la forêt noire et sur ses alentours. Leurs yeux curieux s'exorbitèrent à la vue du corps inerte de mon ami. La nouvelle directrice eut le souffle coupé et, balbutiant, demanda à Hagrid de le porter, au plus vite, à l'infirmerie. Le demi-géant s'exécuta en me fusillant du regard. Croyait-il que c'était moi qui lui avait fait ça ? Que j'avais pu lui lancer un tel sort ? A ses yeux pleins de rancœurs, c'était le cas. 

McGonagall toussota alors que je suivais des yeux le garde-chasse emportant Neville dans ses bras. On voyait la mort les suivre, éparpillant quelques gouttes de sang entre les feuillages. De son sang. Du sang que j'avais sur les mains. Me rendant compte du liquide visqueux qui s'étalait sur mes paumes, je tentais, vainement, de le faire disparaître en froissant mes doigts entre les plis de mon vêtement. La tâche empourpra ma robe entière, sans que la femme n'essaye de dire quoi que ce soit. Avait-elle compris, elle, que je n'avais pas voulu tuer la seule personne qui m'écoutait ? Ou, croyait-elle, à juste titre, que j'étais encore aussi méprisant et méprisable qu'à l'époque où j'avais envoyé ma première blague à l'encontre de Londubat ? 

"Madame... balbutiais-je.

- Ce n'est pas la peine Malefoy, coupa t-elle. Relevez-vous et allez vous changer, vous êtes couvert de sang. Vous expliquerez la situation à vos camarades.

- Vous ne croyez pas que c'est moi qui lui ai fais ça ? demandais-je en me levant difficilement, encore tremblant.

- Si c'était le cas, seriez-vous resté auprès de lui en appelant les secours ?"

Je n'osais pas répondre, ça paraissait évident. Mais, l'esprit brouillé, les larmes aveuglantes et les tambourinements de mon coeur m'empêchaient de me rassurer. Allait-il s'en remettre facilement ? Je me souvenais sans peine de la douleur que j'avais éprouvé, durant près de deux mois après que Potter ai testé ce sortilège. C'était atroce. La directrice me fit signe d'avancer vers le château me semblant, tout à coup, hostile. Si elle comprenait, qu'allais-je dire aux autres ? A Hermione, Potter, Weasley et Finnigan en revenant, ma robe empourprée, dans l'aile des Gryffondor. La femme passa amicalement sa main sur mon épaule et nous partîmes vers Poudlard.

Les escaliers me semblèrent silencieux et étonnement rapides par rapport au soir où ils s'amusaient à changer de direction à chaque minute. Ainsi, à peine mes pieds foulèrent la salle commune bondée que toutes les têtes se tournèrent vers moi. Jusqu'au moment où les yeux n'étaient encore que perdus dans leurs pensées respectives, je pensais pouvoir garder mon habituelle prestance mais, devant cette foule, devant ces visages horrifiés par la couleur de mes paumes, je craquai. Mes genoux tremblants, j'éclatais en sanglot, oubliant que jamais je n'avais pleuré devant eux. 

Hermione, dont la chevelure montant des marches menant à son dortoir, manqua de s'étouffer en voyant l'état dans lequel je plongeais ingratement. Quelle honte ! Quelle honte de ne pas avoir montré mes sentiments auparavant. Je souffrais autant que je baignais dans le bonheur. Enfin, je pleurais. Enfin, je m'exprimais. J'avais sous-estimé les bienfaits des larmes, de la tristesse. La né-moldue bouscula les élèves intrigués et arriva à ma hauteur, toute aussi tremblante que moi. Son visage pâlissait autant que le mien, ses lèvres se rapprochaient des miennes. 

"Qu'est-ce... commença t-elle à l'adresse de McGonagall. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- C'est à Monsieur Malefoy de répondre à cela, rétorqua t-elle en m'encourageant du regard.

- Je... murmurais-je en pensant ne pas être entendu par l'assemblée attentive. Je suis désolé ! Je n'ai rien pu faire... Tout est de ma faute ! Je savais qu'ils ne l'aimaient pas mais... je ne pensais pas que ça irait aussi... loin."

Je continuais de tourner autour du pot, lâchant ma souffrance sans pouvoir prononcer son prénom. Mais, voyant les yeux noisettes d'Hermione caresser les miens en me faisant baigner dans ses pupilles courageuses, je parvins à murmurer son identité :

"Neville... il est à... l'infirmerie."

Ce fut suffisant, ils n'attendirent aucune explication de ma part. La plupart des Gryffondor eurent des yeux exorbités par la surprise, d'autres me bousculèrent pour le rejoindre mais ils ne furent pas nombreux. En réalité, seul Potter, les deux Weasley, Finnigan, Thomas (qui passaient le plus clair de son temps chez les Gryffondor malgré son changement de maison) et Patil partirent de la pièce en trombe. Hermione, elle, semblait en proie à un dilemme. Elle ne me quittait pas des yeux mais ses jambes souhaitaient suivre les pas pressés qui dévalaient les escaliers redevenus farceurs. 

"Vous feriez bien de vous changer, Malefoy, lança le professeur avant de quitter les lieux."

J'acquiesçais et quittais, à mon grand malheur, le regard de la fille. Le dortoir était désert et je pus, sans gêne, me changer en vitesse avant de me diriger vers la salle de bain vernis qui se trouvait au fond de la pièce circulaire. Le lavabo décoré de motifs félins s'ouvrit à moi et le jet froid expulsa les traces vermeils qui ancraient mes mains. Mon visage retrouva son teint froid même si les gouttes salées avaient creusé mes joues de façon ridicule. Sous l'émotion, mes cheveux platine s'étaient emmêlés, créant une chevelure décoiffée et naturelle, contrairement à celle qui dirigeait, auparavant, mes mèches blondes. 

"Drago ? appela une petite voix."

Je coupais l'eau gelée et, brusquement, ouvris la porte sortant de la chambrée. 

"Je voulais t'attendre pour aller le voir, dit-elle doucement en souriant. Tu veux bien que l'on fasse le trajet ensemble ?"

Hermione... Je ne pus lui répondre que par un fragile sourire et elle m'attrapa le poignet pour m'élancer vers l'infirmerie. Au moment où ses doigts s'enlacèrent contre ma chair, au moment où sa paume effleura la mienne, un frisson étrange mais agréable parcourut mon échine. Sa peau chaude réchauffait la mienne, l'apaisait, la charmait. 

Il n'y avait plus de doutes à avoir, mon coeur s'était décidé, que mon esprit entende ou non ses appels directs. Mon âme battait en harmonie avec la sienne, mon amour s'était accroché à cette fille, cet ange tombé du ciel. 

UNE ANNÉE INATTENDUE (Dramione)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant