10/ L'infirmerie

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J'étais encore rouge, de tristesse et de honte, lorsque mes pas et les siens franchirent le seuil de la porte de l'infirmerie. Je m'attendais à voir, au fond de la salle, une troupe assemblée au-dessus du blessé, des murmures parcourant la pièce en tentant de ne pas éveiller les oreilles de Neville. Mais, au lieu de cela, c'était l'affrontement. La dispute furieuse entre les Gryffondor et Madame Pomfresh, chacun campant sur ses positions en oubliant le confort à maintenir pour les malades.

"Je vous ai dis non, tonna t-elle en croisant ses bras massifs sur sa poitrine.

- Et nous, nous tenons à le voir, répliqua Seamus en imitant la femme. 

- Dites-nous au moins ce qu'il a, adoucit Parvati Patil en se tordant le cou pour dépasser sa musculature impressionnante et apercevoir le blessé. 

- Hors de question ! rétorqua Pomfresh. Il a besoin de calme, vous m'entendez ? De calme ! Vous êtes incapable de comprendre. Granger, ajouta t-elle en lançant un regard suppliant à la né-moldue, expliquez-leur."

Nous étions à la hauteur de la bataille et les yeux se tournèrent tous, sans exceptions, vers elle. Elle sembla rougir, bien moins que son exécrable petit-ami qui sembla se rendre compte qu'elle avait préféré m'attendre plutôt que de le suivre. Je ne pus cacher un sourire narquois en me sentant, pour une fois, supérieur à lui dans tous les domaines. Sauf en terme d'amour, c'était la seule ombre au tableau. La tâche noire sur le fil de ma vie, la saleté qui cachait un bonheur sans précédent.

"Madame Pomfresh... commença t-elle de sa petit voix si douce. Je n'étais pas là l'année dernière mais, au vue de l'état dans lequel j'ai retrouvé mes amis, je suppose que vous ne les guérissiez plus depuis longtemps. Vous vous êtes contentée d'attendre, d'obéir aux ordres, les laissant, gisant au sol, après des punitions sévères et sadiques. Alors, Madame, si vous n'avez pas agi l'année passé et que vous ne les avez pas protégé, ce n'est pas aujourd'hui que vous allez nous dire que vous vous préoccupez de leur confort et de leur calme. Laissez-nous passer, nous en avons pour cinq minutes."

Bouche bée, l'infirmière ne savait plus où se mettre. Non pas parce que Hermione avait touché un sujet sensible, ni même parce qu'elle avait juste dit la vérité, mais parce que, du haut de ses dix-huit ans, avait osé parler malgré sa timidité et son respect pour les professeurs. La vieille femme se décala, tremblante, et fonça vers son bureau où des aiguilles et des médicaments se superposaient dans le plus grand désordre. La troupe avança jusqu'au seul lit occupé, juste devant une fenêtre dont la vue donnait sur le terrain de Quidditch. Le premier à comprendre ce qu'il était arrivé à Neville fut évidemment le détenteur de la formule horrifiante. Quand Potter vit les plaies refermées, le teint blême, la respiration saccadée, il comprit. Il comprit et empoigna le col de ma robe de sorcier avant de me faire reculer contre le mur de pierre. Une légère douleur se balança le long de ma colonne vertébrale mais je n'essayai pas de me retirer, sachant que seule la discussion pouvait l'apaiser, s'il arrivait à comprendre. 

"Ecoute-moi... commençais-je en sentant son second poing se serrer.

- Ne dis rien, connard ! lança Harry. C'est toi qui lui as fais ça ! Il n'y a que toi, Rogue et moi qui connaissions la formule... Comment as-tu pu faire ça à la seule personne qui t'appréciait ?! Comment ?!"

Il aurait pu continuer longtemps mais il stoppa son élan insultant et laissa son coup parler pour lui. Sa paume gauche solidement fermé, il frappa brutalement mon front dont la tempe se mit immédiatement à saigner. Pourquoi n'écoutait-il jamais ? Même ses amis le lui avaient reproché à plusieurs reprises mais il ne les avait pas entendu non plus. 

Comme pour clore une discussion perdue d'avance, une énième silhouette entra dans la pièce, stoppant le second coup de l'Élu. C'était cette fille de Poufsouffle, aux yeux noisettes pétillant de joie et aux cheveux blonds descendant jusqu'à son bassin. Elle souriait pâlement, consciente d'être venue au mauvais moment pour Potter, au bon moment pour moi. Mon camarade me lâcha et, instinctivement, demanda pourquoi Hannah Abbot était venue jusqu'ici. La réponse me paraissant évidente, personne n'avait dû remarquer les regards amoureux de l'élève de Poufsouffle lancés à Neville depuis maintenant deux ans. 

"J'ai appris, déclara t-elle d'une voix timide, qu'il était blessé. Je me suis dis qu'il aimerait avoir, à son réveil, un petit cadeau. Ce n'est rien d'important... Juste des Chocogrenouilles, je sais qu'il adore ça."

En effet, c'était ses bonbons préférés et elle déposa, sur la table de chevet de Londubat, un paquet gigantesque de ces friandises. Les yeux de Weasley frémirent d'envie de les dévorer mais sa soeur frappa tellement fort son épaule qu'il dû y renoncer et que, au lieu de plonger ses mains dans le colis pour attraper ces bestioles chocolatés, il passa le reste du temps à se masser l'omoplate. Abbot ne resta pas plus longtemps et partit, un rire gêné dans la gorge. Hermione ricana aussi, accompagnée de Ginny. Toutes deux avaient, bien entendu, comprit la raison de cette visite. 

"Où en étions-nous ? reprit Potter en voulant me frapper de nouveau.

- Stop Harry ! lança Granger en se plaçant entre lui et moi."

Les bras tendus, elle me protégeait. Pourquoi ? Ne pouvais-je pas le faire seul ? Avais-je besoin d'une épaule sur laquelle me reposer ? Oui. J'avais besoin de cette épaule pour tenir debout, pour continuer, pour tout affronter. 

"Penses-tu, poursuivit-elle, qu'il aurait prévenu McGonagall s'il avait lui-même lancé le sort ? Penses-tu que la directrice l'aurait laissé rentrer dans la salle commune sans l'avoir renvoyé de Poudlard ? Ce n'est pas parce que toi, tu n'as pas eu de renvoi suite à ta bêtise que les autres sont dans le même cas. 

- Qu'est-ce que tu insinues ? 

- Je n'ai jamais fais ça à Neville, dis-je en regardant alternativement Hermione et Londubat qui était toujours inconscient malgré notre chahut. Je devais le faire, mais je n'ai pas voulu. Parkinson et Goyle ne supportaient pas qu'il soit proche de moi... c'est pour ça qu'ils ont lancé ce sortilège... Parce qu'ils le connaissaient grâce à toi, Potter !

- Comment ça, grâce à moi ? 

- Quand j'ai été à la place de Neville, ils sont les seuls à être venus me voir, avec d'autres Serpentard. Naturellement, ils ont demandé ce que j'avais et Pomfresh leur a donné le nom du Sectumsempra."

Le silence se glaça dans l'air environnant, comprimant les poitrines. Granger, lentement, à l'abri du regard des autres, comme pour me rassurer, enroula ses doigts autour de ma main droite. Une douce chaleur s'infiltra dans ma peau et un sourire pourfendit mon visage neutre. 

"Drago, souffla t-elle."

Je m'attendais à n'importe quoi. Mon coeur tambourinait si fort dans mon torse que j'en avais du mal à respirer. Je priais pour une déclaration d'amour publique, me permettant de déposer mes lèvres sur les siennes, de sceller définitivement mes sentiments envers elle.

"Il est réveillé, marmonna Hermione en se rapprochant du lit où trônait Neville, yeux ouverts, un sourire pâle sur le visage.

- Salut tout le monde, lança t-il fébrilement. La forme ?"

UNE ANNÉE INATTENDUE (Dramione)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant