13/ Feudeymon

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Combien de temps nous restâmes enlacés à effleurer le bonheur avec nos lèvres aimantes ? En quelques instants, la nuit tomba précipitamment sur le château vieilli, foudroyant nos caresses et séparant nos corps. Hermione, encore plus chamboulée que moi, partit la première, ne sachant réellement ce qui s'était passé. Elle me laissa, seul, au milieu de l'étendue verdoyante. Je n'avais aucune envie de retourner dans la salle commune de Gryffondor, la voyant dans les bras de Ron. Je savais que c'était ce qu'elle allait faire, comme pour se racheter de sa conduite. Et elle changera, chaque jour, de personne à aimer, juste pour se racheter. 

Quand le froid empourpra mes vêtements et frigorifia mes veines, je me résignais à rejoindre le hall de Poudlard, le coeur battant toujours la chamade au creux de mes côtes. Je croisais plusieurs élèves qui se regroupaient au centre des couloirs. Leurs noms, bien que familiers, ne purent resurgir de ma mémoire, accaparée par le souvenir récent. Mes pas me portèrent jusqu'à l'aile des Gyrffondor que la Grosse Dame m'ouvrit en chantant un opéra aux allures de requiem. La plupart des camarades étaient couchés ou tardaient dans le parc, ignorant le froid tranchant qui persécutait, même à l'intérieur des murs épais, les adolescents encagoulés dans leurs écharpes colorées. 

Un sentiment de fatigue parcourut mes muscles et je décidai d'aller dormir, sachant que la belle né-moldue devait déjà être couchée. Chacune de mes avancées martelaient les escaliers de bois et j'entendis, après le grincement de la planche sur laquelle mon pied venait de se poser, la voix gutturale et plus qu'insupportable du fils Weasley, que j'apercevais discrètement par la serrure de la porte. 

"Tu te rends compte ! hurlait-il. Harry... elle a osé me faire ça ! Comment j'ai pu mériter un truc pareil ? 

- Vous n'étiez pas... commença une voix qui appartenait à Potter. Vraiment proches, ces derniers temps.

- Elle m'aime, ON s'aime ! Il a dû la forcer à l'aide d'un sortilège ! Peut-être même que c'est lui qui a essayé de tuer Neville !

- Il nous l'aurait dit, tenta de rassurer l'Élu. Tu t'inquiète pour rien... Tu as peut-être rêvé. 

- Ah ouais ? lança le roux en faisant les cent pas. Je ne peux pas rêver ! Ça s'est vraiment passé, il l'a embrassé !

- Ils se sont embrassés, corrigea l'autre. Si, comme tu le dis, ils sont encore ensemble, il n'est pas le seul fautif."

Jamais je n'avais vu Weasley dans une telle colère. Il était rouge, serrait les poings et, pendant un moment, je crus même qu'il allait frapper son meilleur ami. Furieux des remarques (plutôt positives) d'Harry, il souhaita sortir de la pièce, fuyant la conversation. J'eus juste le temps de retirer mon œil de la serrure avant que la porte ne claque à quelques millimètres de moi. Sur le coup, je trouvais cela intelligent d'écouter leur conversation. Maintenant, je savais que c'était une erreur.

"TOI ! grogna bestialement le roux. Viens là !"

Il m'attrapa par le col et me fit entrer dans la pièce, sous les yeux hébétés de Potter. Moi aussi, je rougissais. Je rougissais de rage. Personne ne me traitait comme ça, pas même un idiot tel que lui. Bien que je ne l'avais jamais vu si colérique, il ne me semblait pas dans son état normal. Au lieu de poursuivre sa grotesque engueulade, il se parlait à lui-même, frappant parfois sa tête avec ses poings, comme s'efforçant d'apprendre une leçon particulièrement difficile. Harry me tapota l'épaule, attirant mon attention captée par ces étranges gestes. Il approcha ses doigts de ses pupilles avant de montrer Ron. Quand je retournais la tête, je vis de quoi il parlait. Je vis ce qu'il se passait réellement.

Le rouquin avait fini de discuter avec lui-même et, son poing fermé, s'était jeté sur moi. Je ne pus éviter son coup qui frappa ma tempe droite. Je me reculais, portant ma paume sur l'égratignure qui saignait déjà abondamment. Avant le second coup, magique cette fois-ci, je pus observer ses yeux. Si, d'habitude, ils étaient émeraudes, là, ils viraient parfois aux noirs encres. Le noir... C'était la couleur des pupilles de Potter quand Voldemort avait pris possession de lui à plusieurs reprises. La couleur des ténèbres. La couleur d'un Impero. A peine avais-je compris qui tirait les ficelles du Gryffondor qu'il avait sorti sa baguette et me jetait, avec furie, le sortilège :

"Expedimenta !"

Je fermais les yeux, impossible de l'éviter, je n'avais pas le temps de sortir ma baguette.

"Protego ! hurla Harry en ayant sorti sa propre arme."

Les deux éclairs se confrontèrent et s'annulèrent en un instant, laissant seulement les deux amis s'opposant avec détermination.

"Pousse-toi ! rétorqua Ron.

- Tu n'es pas dans ton état normal ! Arrête ça, il ne le mérite même pas. Ce n'est pas à toi de choisir si Hermione souhaite rester avec toi, c'est à elle. Alors, range ta baguette ! 

- Tu me crois fou ? Je croyais qu'on était ami tous les deux... Je me suis trompé ! Tu es de son côté !

- Il n'y a pas de côté, répondis-je avec hargne sans pour autant sortir ma baguette. On aime la même fille, c'est vrai. Mais on ne doit pas se battre, au moins pour elle.

- Depuis quand t'intéresses-tu à elle et à ce qu'elle pense ?"

Quand il demanda cela, mon esprit se chamboula. Depuis quand ? Toujours peut-être. Je n'en avais aucune idée. Tout ce dont j'étais sûr, c'était de l'aimer, aujourd'hui comme demain. Potter se tourna vers moi, comme bluffé par ma phrase. Me croyait-il enfin sur quelque chose ? Comprenait-il que j'étais sincère et que ce n'était pas qu'un moyen idiot pour me venger ? Me venger de son immonde popularité et de sa vertu écœurante. 

"Feudeymon !"

Nos regards basculèrent immédiatement vers le porteur de cette voix dont les yeux noirs resplendissaient comme jamais. Ce maléfice... comment pouvait-il ? Lorsque Crabbe l'avait lancé, il ne le maîtrisa qu'une dizaine de seconde avant de succomber à son propre sortilège. Pourtant le rouquin devait s'être entraîné car des flammes sortirent rapidement de l'extrémité de son morceau de bois et jaillirent sur Potter comme sur moi. Harry hurla à la mort, insultant son ami, l'invitant à reprendre possession de ses moyens, de se battre. Cris qui n'eurent qu'un seul incident : Ron perdit conscience. L'incendie était complètement libre de dévorer n'importe quoi, n'importe qui. Les nuages de fumées s'entassaient dans la pièce, nous faisant tituber. La porte était loin de nous, séparée par un mur incendiaire. Nous étions foutus alors qu'un tigre de feu se jetait sur nous.

UNE ANNÉE INATTENDUE (Dramione)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant