Treizième fragment

243 19 3
                                    

Point de vue Estelle ;

Je rentre chez moi très tard. Il fait nuit depuis plusieurs heures déjà. Je pousse la porte de mon appartement et file me coucher. Je suis fatiguée par ma longue journée.

Après ma dispute avec Emily, je suis allée m'isoler pour écrire. Je me suis perdue dans un quartier que je ne connaissais pas trop. Je m'apprêtais à lancer mon GPS sur mon IPhone pour retrouver mon chemin mais mon regard est tombé sur un banc illuminé par la lumière jaune d'un vieux lampadaire. C'était l'endroit idéal. Je suis allée m'asseoir et j'ai sortis mon cahier et un stylo. J'ai gratté ma feuille comme une folle pendant je ne sais combien de temps. Je n'avais pas froid ni faim ; j'étais bien trop absorbée par les lignes et les portées qui se déroulaient sous mes yeux. Je fredonnais l'air que je m'appliquais à coucher sur le papier en battant la mesure avec mon pied.

Je me suis fait abordée par un gars assez mignon. Comme je suis en couple j'ai d'abord dit non quand il m'a demandé mon numéro. Mais il a fini par me convaincre avec ses yeux malicieux et son sourire franc. Il m'avait assurée qu'il voulait simplement mieux me connaitre et après tout rien de m'empêchait de me faire de nouveaux amis ; ma vie sociale en a bien besoin. Quand je lui ai dit que j'étudiais la musique, son visage s'est éclairé. Il a commencé à me parler de son amour pour le rap. Ses yeux brillaient. Bien que je ne sois pas fan de rap, il en parlait avec tellement de passion que je ne pouvais que respecter ce genre de musique auquel je ne m'étais jamais vraiment intéressée.

Au bout d'une dizaine de minutes, il s'est éclipsé pour rejoindre son pote un peu plus loin. Il était dans l'ombre mais sa silhouette me paraissait vaguement familière. Je suis rentrée chez moi un peu après, écrasée par la fatigue. Mes yeux se fermaient tout seuls et s'embuaient tellement que je ne distinguais que les formes colorées des feux rouges et des lumières aux fenêtres des immeubles. Les pans de ma veste battaient contre meshanches et le vent tiède me soufflait au visage les relents de bière et de transpiration qui s'échappaient des boites de nuit le long de la rue.

Devant chez moi, il y avait un homme assis par terre. Il avait le visage sale et portait un tee-shirt déchiré beige qui devait, jadis, être blanc. Sa peau était rouge et son cou violacé était marqué par des cicatrices épaisses comme des cordes. Ses yeux étaient d'un blanc laiteux et papillonnaient à droite et à gauche sans jamais se poser nulle part. Il était aveugle.

Il m'entendit arriver bien avant que je ne sois à sa hauteur.

- Bonjour mademoiselle. Auriez-vous quelque chose pour moi ?

Je me suis demandé comment il savait que j'étais une jeune fille. J'ai supposé que ma démarche et le rythme de mes pas devaient me trahir. Il avait ses yeux vides dans ma direction et un sourire doux éclairait son visage ravagé par la pauvreté.

- Permettez que je monte chez moi, monsieur. Je vais vous ramener quelque chose. Attendez-moi ici, je reviens.

Il hocha la tête. Ses prunelles recommencèrent leurs aller-retours incessants ; droite, gauche, droite, gauche...

J'ai monté les marches de mon immeubles quatre à quatre avec une énergie nouvelle. Je me suis précipitée dans ma cuisine. J'ai fait chauffé une brique de soupe que j'ai vidé dans un thermos. J'ai également pris un morceau de pain puis je suis descendue.

Il n'avait pas bougé. Je lui ai tendu la soupe et le pain.

- Voilà pour vous monsieur. Attention c'est chaud.

Il prit le thermos dans ses mains et le colla contre sa joue. Il souriait.

- Que dieu vous garde, mademoiselle.

L'amour des étoiles filantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant