«L'inégalité d'éducation est, en effet, un des résultats lesplus criants et les plus fâcheux, au point de vue social, du hasardde la naissance. Avec l'inégalité d'éducation, je vous défie d'avoir jamais l'égalité des droits, non l'égalité théorique, mais l'égalité réelle, et l'égalité des droits est pourtant le fond même et l'essence de la démocratie.
L'inégalité d'éducation est le plus grand obstacle que puisse rencontrer la création de mœurs vraiment démocratiques. Cette création s'opère sous nos yeux ; c'est déjà l'œuvre d'aujourd'hui, ce sera surtout l'œuvre de demain ; elle consiste essentiellement à remplacer les relations d'inférieur à supérieur sur lesquelles le monde a vécu pendant tant de siècles, par des rapports d'égalité.
Ici, je m'explique et je sollicite toute l'attention de mon bienveillant auditoire. Je ne viens pas prêcher je ne sais quel nivellement absolu des conditions sociales qui supprimerait dans la société les rapports de commandement et d'obéissance. Non, je ne les supprime pas : je les modifie. Les sociétés anciennes admettaient que l'humanité fût divisée en deux classes : ceux qui commandent et ceux qui obéissent ; tandis que la notion du commandement et de l'obéissance qui convient à une société démocratique comme la nôtre, est celle-ci : il y a toujours, sansdoute, des hommes qui commandent, d'autres hommes qui obéissent, mais le commandement et l'obéissance sont alternatifs, et c'est à chacun à son tour de commander et d'obéir. Voilà la grande distinction entre les sociétés démocratiques et celles qui ne le sont pas.
Ce que j'appelle le commandement démocratique ne consiste donc plus dans la distinction de l'inférieur et du supérieur ; il n'y a plus ni inférieur ni supérieur; il y a deux hommes égaux qui contractent ensemble, et alors, dans le maître et dans le serviteur, vous n'apercevez plus que deux contractants ayant chacun leurs droits précis, limités et prévus ; chacun leurs devoirs, et, par conséquent, chacun leur dignité.
De cette façon, vous comprendrez la nécessité d'instaurer l'école laïque, gratuite et obligatoire. » - Jules Ferry
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L'École pour tous
Short StoryEt si le monde était encore plus injuste qu'il ne l'est déjà? Et si l'esclavage était encore d'actualité? Feriez-vous parti de ces riches dominants, ou ne seriez-vous qu'un simple singe de la société?