Chapitre 1:

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Aujourd'hui, au XXI siècle, cela fait presque deux cent ans que que le Sénat etl'Assemblée Nationale ont refusé la loi que Jules Ferry proposait. Je suis dans l'obligation d'avouer que le refus de cette loi n'a paseu un énorme impact sur ma vie puisque je vais moi-même à l'école, comme absolument tous les riches. La seule différence entre eux et moi, c'est que je marche contre ce système qui défavorise ceux quin'ont pas les moyens de se cultiver en étant scolarisés. Ces enfants là, tout comme leurs parents ainsi que leurs grand-parentset toutes les générations qui les ont précédés, sont destinés àêtre de médiocres esclaves. Les personnes que je nommerai « lesriches », indifférents à leur misère, les traitent comme des moins que rien, comme des êtres inférieurs, voir inutiles. Cefonctionnement me révolte. Comment peut-on accepter cette façon devivre complètement indigne de la race humaine ? Bien sûr, c'est inimaginable d'envisager de mettre les pauvres sur le même palierque nous !

Quentin, mon meilleur ami, se trouve être l'un des pauvres. C'est grâce à lui que j'ai ouvert les yeux sur la société. Je n'hésite pas àdire « grâce à lui » et non « à cause de lui » car réaliser que ce système est abject a été l'une des meilleures choses que j'ai pu faire dans ma vie. Il me dit souvent que je n'ai pas à le plaindre, que défendre sa position est surfait, que je dois trouver un but plus important : « Elliott, m'explique-t-il presque chaque jour, tu n'as que seize ans. Réfléchis un peu, tu ne peux paschanger le monde en claquant des doigts. Penses-tu réellement qu'aller contre cette politique n'est pas dangereux ? Si tu t'opposesà eux, tu sais autant que moi ce qui arrivera. » Je sais pertinemment qu'il n'a pas tort sur ce point. Ceux qui ont tenté dese révolter en ont payé le prix : la mort. De plus, je suis convaincu que ce n'est pas leur seule pénitence. Mais le monde doit avancer. Tout le monde devrait avoir le droit de reçevoir des enseignements.

Ce matin, je me rends au lycée à pied. Je pourrais très bien y alleren bus, mais je refuse de prendre part à ce genre d'action qui différencie, encore, les pauvres des riches. En effet, si je prenais le bus, je serais dans l'obligation de monter dans celui des gens aisés et voir celui des pauvres rouler dans un piteux état à côtédu notre. Alors, je marche simplement.

La journée se déroulait relativement bien jusqu'à mon cours d'histoire. Mon professeur n'a jamais caché pas le fait d'être pour le système qui gouverne notre civilisation et cette heure-ci d'autant plus. Effectivement, il ne cesse de critiquer les pauvres depuis une vingtaine de minutes, ce qui a le don de me mettre hors demoi. La plupart de ses propos se ressemblent : « ils ne sont bonsqu'à servir », « ils ne peuvent pas s'exprimer, cela ne servirait à rien de savoir les pensées d'un inculte », « ils sont idiots », et j'en passe. Je trouve ces paroles révoltantes, surtoutsorties de la bouche d'un professeur, d'un adulte responsable. Comment arrive-t-il à non seulement accepter la politique dedifférence de taille entre les riches et les pauvres, mais de plus à y contribuer? Je ne peux pas laisser cela passer.

«N'avez-vous donc pas fini Monsieur?

-Elliott, je ne me lasserai jamais de crier mon opinion car c'est la bonne, et tu le sais. Tout le monde, enfin du moins nous les riches, devrait penser comme je le fais si bien.

-Parce que penser de cette façon est juste ? Pensez-vous qu'un homme doit être supérieur à un autre ?

-Biensûr que oui, sinon, comment pourrions-nous gérer un peuple tout entier ? Il faudrait que tu acceptes ta position dans la société mon garçon. Si les pauvres sont nos esclaves aujourd'hui, ne crois-tu pas que c'est parce qu'ils ne sont pas fichus de travailler pour gagner leur propre vie ? Ils sont chanceux de nous avoir.

-Donc vous qui êtes censé enseigner notre histoire, avoir de l'amour pour votre patrie, vous osez défendre ce fonctionnement intolérable et en plus influencer vos élèves ? Vous n'avez pas le droit, c'est interdit.

-Eh bien sache que tu as raison. Nous n'avons pas le droit de prendre parti pour quiconque ou défendre une idée politique devant nosélèves. Nous devons rester neutre. Pourtant, ce sujet, le sujet de l'école payante n'est pas tabou. Nous sommes dans le droit de divulguer nos pensées.

-Peut-être que l'école payante n'est pas un sujet tabou, mais ce n'est pas question de cela. Vous savez autant que moi que cette loi est partie trop loin. Il est question aujourd'hui de riches et de pauvres. On dirait deux races différentes.

-Nous sommes deux races différentes. Sois en sûr.

-Comment osez-vous ? Rappelez-moi le deuxième mot qui constitue la devise de notre pays? Egalité. En aucun cas ce système représente cette égalité. »

L'École pour tousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant