Chapitre 2:

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Quentin est un jeune garçon intelligent, malgré le fait que la vie, ou du moins la société, s'acharne sur lui. Il ne peut aller s'instruire mais depuis tout petit je fais de mon possible pour lui transmettre le savoir que j'aquis de jour en jour à l'école. Je l'ai rencontré étrangement dans un marché. C'était un mercredi matin, ma mère faisait ses courses. Quentin n'avait rien à faire à cet endroit,étant donné qu'il était mineur et qu'un pauvre ne peut se promener dans un marché s'il n'est pas esclave. En réalité, il demandait une pomme à un marchand qui refusait de la lui donner. J'ai alorssorti une pièce de ma poche et ai acheté cette pomme afin del'offrir au jeune pauvre qui visiblement n'avait qu'une seule envie: manger. Nous nous sommes alors retrouvé plusieurs fois à cetendroit et des liens d'amitié se sont créés. Depuis, on se voit encachette car mon Dieu, fréquenter un pauvre alors qu'on est riche est honteux dans ce système qui prive les pauvres de tout droit.

Au XIXème siècle, quand la loi de l'école laïque et gratuite a été refusée, il ne s'agissait que de l'école. Il fallait payer pour secultiver. Mais plus le monde a évolué, plus ce fonctionnement s'est déformé et a empiré. Au début il ne s'agissait que de la différence d'emploi, ensuite la différence de salaire, puis la différence de quartier... J'énumérerais volontiers la liste maiselle se trouve être trop longue. Peu à peu, lorsque les décennies s'écoulaient lentement, les pauvres ont commencé à subir une différence de traitement plus importante encore qu'auparavant. Lestransports devenaient petit à petit différents pour les riches etpour les pauvres, les emplois étaient de plus en plus refusés auxpauvres, ces derniers n'avaient plus le droit d'exprimer leur opinion, jugés trop bêtes, puis le gouvernement a fini par en fairedes esclaves en leur supprimant le peu de droits qu'ils possédaient encore. Et c'est ainsi qu'est notre monde au XXIème siècle. Un monde que je qualifierais injuste, mauvais et néfaste pour l'avenir. Finalement, c'est un triste monde dans lequel je dois vivre.

Mon ami Quentin arrive enfin à notre lieu de rendez-vous discret afin de ne pas être surpris. L'endroit est plutôt sombre car la nuit est tombée depuis deux heures maintenant. De plus la rue est étroite etpeu fréquentée. J'aurais bien demandé à mon ami de me rejoindre chez moi mais mes parents n'auraient jamais accepté. Je ne peux pas dire qu'ils soient forcément d'accord avec le gouvernement mais ils refusent d'être pris avec un pauvre. Et puis du côté de Quentin,ce n'est pas très compliqué à comprendre, je ne peux pas allerchez lui tout simplement parcequ'il n'a pas de maison, ni de famille. Une fois qu'une esclave accouche d'un nouveau-né, elle doitle déposer à la « Maison des pauvres » et en oublier même jusqu'à son existance. Si je me rendais dans cette maison, je pourrais risquer une lourde punition par la gendarmerie, ou la prison si j'étais majeur. Alors c'est de ce petit endroit silencieux que Quentin et moi nous contentons.

Plus le temps passe, plus je le trouve triste. J'ai essayé maintes et maintes fois de lui demander ce qui n'allait pas mais il a nié le fait d'avoir un problème chaque fois que le sujet de conversation était lancé. Aujourd'hui plus que les autres jours, il ne va pasbien.

«Que t'arrive-t-il Quentin ?

- Eh bien, soupire-t-il, j'ai bientôt dix-huit ans. Et je ne vais pas terépéter tout le processus, tu sais bien que je vais devenir comme tous les autres : esclave.

- Je le sais. Et j'en suis très malheureux. Je t'ai déjà parlé de ceque je voulais faire et crois moi, je compte bien me révolter. Je compte le faire pour toi et tous les autres qui ne méritez en aucun cas ce qui vous arrive.

- Je t'en prie Elliott, arrête. Je ne dis pas que le gouvernement est le meilleur de tous, mais ce n'est pas plus mal ainsi. Au moins en étant esclave, nous avons un toit.

- Etun maître. Je ne comprends vraiment pas ta façon de penser. Tu espauvre et ce n'est pas de ta faute. Tu pourrais très bien être avocat ou médecin vu tes capacités intellectuelles mais non, tu nepeux pas. Tout ça parce que le système l'a décidé ainsi, tout çaparce que tu es né d'une esclave. »

C'est ce qui m'horrifie le plus dans cette société, tu es né pauvre, tu dois mourir pauvre. Est-ce de la faute de quiconque si la mère qui lui a donné vie était pauvre ? Absolument pas. Alors pourquoi s'obstiner à vouloir les empêcher de s'instruire afin qu'ils deviennent capables d'avoir un autre travail que de servir d'autres hommes ? Pour ne pas qui se révoltent et veuillent changer la loi ?Pathétique.

«Et c'est ainsi, me répond Quentin. Tu n'y peux rien et moi non plus.La seule chose que je souhaite Elliott, c'est d'être ton esclave etpas celui d'un autre. S'il te plaît, dès que j'atteins la majorité, achète moi. Je ne veux pas appartenir à quelqu'un d'autre.

- Quand est-ce que tu comprendras que jamais je n'agirai comme un riche ?

- Donctu ne veux pas de moi ?

- Pasen tant qu'esclave. Tu verras, je n'aurais pas besoin de t'acheter car je te promets de changer les choses.

- Je crois en toi, mais tu n'es pas un héros. Tu crois que d'autres n'ont pas essayé de se confronter au gouvernement pour défendre leurs pensées avant toi ?

- Je le sais bien. Mais je n'ai rien à perdre en tentant de changer le fonctionnement de ce fichu système. S'ils veulent me poursuive enjustice pour me condamner à mort, qu'ils le fassent. Mais jepréfère mourir en ayant tenter de faire quelque chose plutôt quevivre en agissant tel un riche.

- Tun'as que seize ans, soupire-t-il, tu ne sais pas de quoi tu parles.Tu changeras d'avis.

- C'est toi qui changeras d'avis mon ami. Pas moi. Comprends, par pitié, que si personne ne bouge, la situation sera de pire en pire pour vous. »

 J'ai beau essayer de lui faire comprendre ma façon de penser, Quentin ne pensera jamais comme moi. Mais je veux lui prouver qu'il a tord. Je veux qu'il sache que même si ce gouvernement dure depuis des années, il est éphémère, comme chaque chose et chaque personne sur terre. Si personne ne daigne arranger les conditions de vie des pauvres, il persistera à exister.

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