J'attends, patiemment. Les minutes me paraissent des heures, j'ignore la raison.Je ne suis absolument pas angoissé à l'idée de me faire interroger par le juge d'instruction. Le palais de justice est impressionnant.Du moins, la partie dans laquelle je me trouve. C'est grand,spacieux, lumineux. Plutôt accueillant. Mais je doute du fait que le juge soit aussi accueillant que cet endroit. A onze heures, l'heure du rendez-vous, une femme habillée d'une jupe noire et d'une chemise blanche vient vers moi. Elle doit sûrement être assistante, ou secrétaire, j'hésite.
" Monsieur Lightwood? "
Pour la première fois depuis longtemps, je remarque la connotation anglophone qu'a mon nom de famille. C'est étrange, je n'y porte jamais attention d'habitude, à ce détail. Mais aujourd'hui il me paraît marquant. " Lightwood ". Mon père est d'origine britannique, la voici, l'explication.
Après avoir laisser mes pensées se détourner, je me lève et salue la femme présente devant moi. Elle me demande de la suivre en indiquant une porte, au fond du couloir, en sortant de la salle d'attente. Elle frappe à la porte et me fait signe d'entrer.
«Voici Elliott Lightwood », dit-elle en s'adressant à l'homme assis derrière son bureau.
Ce dernier se lève et me tend la main alors que la femme quitte la pièce. Je prends sa main et la serre, pour le saluer.
«Bonjour Elliott.
- Bonjour, monsieur le juge. »
Je prends conscience que je ne me souviens pas de son nom. Comment s'appelle-t-il déjà? Je regarde autour de moi, dans l'espoir de trouver un indice quand j'aperçois son nom, inscrit sur son bureau:M. Lanot.
«Asseyez-vous Elliott, je vous en prie. »
J'exécute sa demande et m'assois face à lui. C'est intimidant de se retrouver dans cette situation, je dois l'avouer. Mais ce n'est pas pour autant que je me laisserai influencer.
«Et bien, commence-t-il, vous ne savez sûrement pas pourquoi vous êtes convoqué puisque rien était indiqué dans la lettre, mais vous devez vous doutez du motif.
- Non, nié-je.
- Et bien je vais vous le dévoiler. Vous êtes soupçonné de côtoyer les pauvres dans une relation différente de celle de maître et esclave.
- Comment? dis-je avec une voix surprise.
- Ne faites pas l'innocent. Même si cette accusation était fausse, vous et moi savons parfaitement que vous défendez leur cause. »
Comment sait-il?
«Je ne la défends pas. Je n'aime seulement pas la façon dont ils sont traités. Et à vrai dire, à quoi servirait le fait que je les défende? Ce serait perdu d'avance, et vous le savez. »
Je dois absolument donner des arguments valables et réfléchis pour m'en sortir. Il ne faut pas que je dévoile la vérité et le juge doit me croire. Sinon, je devrais être puni par la loi. De plus, je dois parler sans m'emmêler les pinceaux, sans me trahir moi-même.
«Soit. Pourquoi perdrez-vous votre temps à cela, Elliott? Cela n'a aucun sens. Un adolescent n'a pas de temps à gâcher pour de telles stupidités.
- Je n'emploierais pas le mot "stupidités". Il n'est pas approprié, vous ne croyez pas? Si c'étaient vraiment des stupidités, le gouvernement n'y porterait pas tant d'intérêt, et je ne serais pas ici aujourd'hui, soupçonné d'enfreindre la loi.
- Vous marquez un nouveau point Monsieur Lightwood. Mais, en parlant de ces soupçons, comment expliquez vous le fait que plusieurs témoins vous ont vu côtoyer des pauvres?
- Je n'en côtoie pas. Le seul pauvre que je vois est celui de mon grand-père paternel. Et cela fait un moment que je ne l'ai pas vu.
- Vous savez, une rumeur court dans Paris.
- A quel sujet?
- Certains autres témoins vous auraient vu donner de faux papiers à des pauvres.
- Je ne vois pas comment cela est possible. Ils ont dû me confondre avec une autre personne. Comme je vous l'ai dit, je ne vois aucun pauvre, à part celui de mon grand-père.
- Bien. Cet entretient n'est basé que sur des paroles comme preuves et ne peut donc pas aboutir. Par conséquence, vous n'aurez aucune peine. Mais sachez que le jour où quelqu'un m'apportera une preuve réelle, je vous ferez enfermer. En effet, ne pensez pas une seconde que je vous crois. »
M.Lanot se lève et me raccompagne en dehors du bureau. Son ton était plutôt menaçant et je ne sais pas quoi en penser. Je pense que je vais être surveillé, il faut donc que je limite mes allés et retours à la bibliothèque et que je vois encore moins souvent Quentin. Cela me déprime.
VOUS LISEZ
L'École pour tous
Short StoryEt si le monde était encore plus injuste qu'il ne l'est déjà? Et si l'esclavage était encore d'actualité? Feriez-vous parti de ces riches dominants, ou ne seriez-vous qu'un simple singe de la société?