Chapitre 6:

14 3 0
                                    

Nous sommes mercredi après-midi, ce qui signifie que je n'ai plus cours à cette heure-ci. Je me trouve d'ailleurs dans ma chambre afin déterminer mes devoirs qui pour une fois, sont peu nombreux. Une fois que cette tâche sera achevée, je me rendrai à la bibliothèque pour assister au cours de M. Simon et voir l'avancée du programme,car cela fait maintenant trois semaines que l'Ecole Pour Tous a ouvert ses portes.

Avant de quitter la maison, mon regard croise celui de ma mère, et je ne sais pourquoi, je me sens obligé de lui donner des explications.Effectivement, je ne lui ai pas parlé de ce que M. Malioc et les autres font avec mon aide pour les pauvres. Si je le faisais, une crise éclaterait dans la maison puisqu'elle et mon pères'opposeraient à ce que je m'investisse dans une telle chose. C'est pourquoi ma charmante mère se pose des questions sur mes"promenades" plus fréquentes qu'auparavant. Elle sait que je grandis et que j'ai besoin de plus en plus de liberté, enfin c'est ce qu'elle me dit; mais elle s'inquiète de ne pas savoir où je me trouve.

«Ne t'en fais pas maman, je serai de retour avant dix-huit heures.

- Ne me dis pas que tu vas encore voir ce garçon pauvre?

- Il s'appelle Quentin. Il a un prénom au cas où tu ne le saurais pas. Et non, si ça peut te rassurer, je vais à la bibliothèque. J'ai besoin de quelques livres pour mon exposé de sciences.

- Bien, fais attention. »

Faire attention, pour ma mère, cela veut dire "prends garde aux pauvres" . Ce qui a le don de me mettre dans une colère profonde, comme à chaque fois qu'elle les mentionne. Elle ne soutient pas le gouvernement mais elle est de plus en plus influencée.

Sur le chemin qui mène à la bibliothèque, le paysage est semblable à celui de tous les jours: les pauvres distinctement séparés des riches. Quelqu'un qui ne connaîtrait pas le système, un touriste par exemple, comprendrait immédiatement cette différence entre eux. J'emploie le mot "eux" car je ne peux me considérer comme un « pauvre » puisque je ne le suis pas, mais je ne me considère pas non plus comme un « riche ». Mon attention se dirige soudain vers un groupe de contrôleurs qui semble frapper violemment une personne. Je m'approche de plus près afin de distinguer les paroles de cette personne qui s'avère être un pauvre.

«Je n'ai pas fait exprès, pardon, pardon, pardon, répète-t-il. Je croyais que c'était mon bus, arrêtez s'il vous plaît! J'allais redescendre, s'il vous plaît ne me faites pas de mal.

- On les connaît les gars comme toi qui veulent se payer le luxe des riches! Ne mens pas, dit un contrôleur en le frappant davantage. »

Cela m'horrifie. Ce comportement est intolérable. Depuis quand frapper un homme à tord est justifiable? J'aimerais tellement m'interposer!Mais si je le fais, je sais pertinemment ce qui va m'arriver: je finirai en garde à vue pour avoir défendu un pauvre. Je détourne mon regard de cette scène révoltante puis me dépêche de rejoindre la bibliothèque.

Je salue le professeur et les élèves attablés ensemble.

«Elliott, nous sommes tous contents que tu sois là aujourd'hui, me dit M. Simon.

- C'est vrai, renchérit un des adolescents prénommé Maxime. Tu sais, c'est grâce à toi tout ça. Tu as fais de ton mieux pour nous permettre d'apprendre et aujourd'hui, les progrès qu'on a fait en trois semaines sont remarquables.

- Merci, souris-je, mais vous remercierez les enseignants et moi, si vous le souhaitez, lorsque le programme sera fini. »

Cela me touche de savoir que le mal que je me suis donné pour que cette école voit le jour paye mais surtout, fait plaisir à ces personnes qui normalement, ont l'interdiction d'étudier.

L'École pour tousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant