- On arrivera bientôt.
Ces quelques mots résonnèrent dans la grotte, ricochant sur les parois de pierre. Ange releva la tête, surprise. À vrai dire, cela faisait un moment qu'un silence inconfortable s'était installé entre eux depuis l'événement de la falaise. Après tout, personne n'aimerait apprendre qu'on les a envoyés faire une mission suicide, surtout s'ils n'ont pas donné leur consentement.
Dehors, la lune s'était levée depuis un bout de temps et le ciel était noir d'encre. De longues ombres se propageaient sur le paysage, souveraines dans cette lande montagneuse désertée. Elles longeaient la neige, jetant des coups d'œil discrets dans la caverne, attirées par la lueur faible du feu de camp.
- Il devrait nous rester six ou huit heures de marche, laissa-t-il tomber en attisant les flammes. Comme on est sur le territoire des Loups du coin, il vaut mieux ne pas traverser la distance qui nous reste la nuit. Et puis, les ténèbres seront trop épaisses pour qu'on effectue le reste du trajet en sécurité.
Pendant un instant, seul le crépitement du feu retentit dans la grotte. Puis, la jeune fille demanda en hésitant un peu sur les mots :
- Qu'est-ce qu'elle a de particulier, cette fleur ? Je veux dire, à part sa rareté.
Il la regarda pendant un long moment, et on pouvait voir un combat intérieur prendre place dans ses yeux. Qu'avait-elle de si spécial, pour qu'il semble si réticent à l'idée de partager ce qu'il savait ?
- Il y a une légende à son sujet, finit-il par avouer.
- Une légende ?
Il acquiesça d'un air grave et cérémonieuse.
- La légende dit qu'un jour, six princes, tous frères et aussi odieux les uns que les autres, insultèrent l'Esprit des Neiges, Vaye'la, en piétinant une de ses fleurs préférées. Cette sorcière, aussi ancienne que le monde, leur jeta alors une malédiction : la fleur refleurira mais chacun de ses pétales sera relié à la vie d'un des frères. Ainsi, si un pétale vient à être endommagé, le prince qui lui est lié mourra en s'évaporant doucement dans les airs. Mais les garçons ne comprirent pas leur erreur et écrasèrent une nouvelle fois la fleur. On dit qu'ils moururent tous de leur bêtise et que la sorcière refit pousser sa fleur, par amour pour elle.
Ange ne comprenait pas comment on pouvait se montrer aussi idiot. Après tout, si on venait tout juste de réchapper de la mort, pourquoi ne prenait-on pas cette chance et trouvait un moyen de racheter sa faute ? Mais elle savait que la bêtise humaine allait loin. Des hommes violaient des femmes, des enfants étaient abandonnés, des minorités aisées écrasaient le peuple.
Voyant que le "Gnome des glaces" semblait enclin à lui répondre, elle sentit des milliers de questions se bousculer sur ses lèvres. Mais une seule remporta la bataille et sortit de sa bouche.
- Pourquoi vous m'avez envoyée chercher la fleur sur la falaise, si vous saviez que je pouvais mourir ?
- Tu pouvais, se contenta-t-il de répéter. La galante blanche est comme un détecteur de l'esprit des personnes. Si une personne à l'âme corrompue l'approche, il aura le corps coupé en deux. Dans le cas contraire... la fleur produira un parfum sucré qui va agir sur son cerveau et la persuader, de tous les moyens possibles, de ne pas la cueillir. C'est la raison pour laquelle tu n'as pas pu la rapporter. Parce qu'elle t'a protégée.
- Et si vous seriez allé la chercher ? demanda-t-elle en essayant de déterminer s'il la charriait ou s'il disait vrai. Que se serait-il passé ?
Il garda un instant le silence. Plus que jamais, il était impossible de deviner ce qui lui passait par la tête. Néanmoins, en entendant sa voix, on pouvait tout de même sentir une vague d'irritation et de regrets quand il lâcha :
- Je n'ai pas vraiment fait de bonnes actions durant ma vie. J'imagine qu'un jour ou l'autre, même sans m'approcher de la galante blanche, je paierai pour ce que j'ai fait.
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Le Joyau des glaces ~ Terminé
FantasyAnge n'a pas le choix : si elle veut rester humaine, elle va devoir trouver une fleur légendaire, le "Joyau des glaces" et manger un de ses pétales. Ses seuls indices : une destination, les Monts de Fer, et un nom, Keth. Réécriture du conte de la pe...