« Pour être honnête, je n'ai aucun regret. »
Valentin haussa les épaules, dépliant légèrement ses bras recouverts de cicatrices tout en affichant une expression dédaigneuse. Une large mèche de cheveux d'un blond terne tomba devant un cache-oeil de fortune, un vague morceau de cuir dont dépassait en haut et en bas une profonde cicatrice.
Il fit claquer sa langue plusieurs fois avant de reprendre :
« Franchement, j'ai eu une vie belle et heureuse, pleine de rencontres et d'aventures. J'ai pu côtoyer les plus grands. J'ai pu faire changer le cours de l'histoire. A mon humble niveau, évidemment. Oui, bon, peut-être que je n'ai pas eu une si grande importance que ça.
Au moins, disons que j'ai été présent. Ce n'est pas grand chose, certes, mais assister à l'Histoire, c'est déjà quelque chose. Pouvoir revenir, des années plus tard, là-bas, et se dire : 'Oui, j'étais là en ce jour.' Eh bien, je peux vous dire que ça fait quelque chose. On se sent tout chaud en nous, c'est une sensation agréable. Sans moi, sans tous les autres, eh bien je peux vous dire qu'elles n'auraient pas pu faire grand chose.
Ce serait idiot d'ignorer l'importance des seconds couteaux, des sbires, des personnages d'arrière-plan. Nous sommes là, nous sommes vivants. Nous n'écrivons pas l'Histoire, mais nous la vivons. »
L'homme prit une grand inspiration. A l'extérieur de la pièce, on pouvait entendre quelques oiseaux piailler, et puis le roucoulement sinistre d'un corbeau qui imposa le silence. Quelques rayons de soleil filtraient à travers la vitre et plongeait la chambre vide, dépourvue de tout meuble, dans une douce chaleur.
« Du coup, je comprends pourquoi vous êtes venus me chercher. C'est vrai, j'étais là, et je sais sûrement des choses. Et je sais quelles genres de méthodes vous êtes prêts à employer pour faire parler les gens. J'y ai déjà goûté d'ailleurs. »
Valentin se présenta d'un mouvement des bras. Si ce n'était pour son visage, son corps était parsemé de vieilles blessures, et parfois de quelques déformations, provenant probablement d'os mal-ressoudés. Il y avait dans son sourire quelque chose de sincère, mais aussi de triste. Ses yeux étaient éteints.Il ressemblait à un corps qui continuait à fonctionner par pur réflexe, à un automate répondant simplement aux stimuli extérieurs.
Et le stimulus d'aujourd'hui était le pistolet braqué sur son visage.
« En même temps, à vous voir, j'imagine que vous n'avez pas eu une vie facile non plus. »
La personne qui faisait face à Valentin était légèrement plus petite que lui et se dissimulait sous une sorte de lourd manteau élimé à la capuche rabattue. Toutefois, de ce qu'il pouvait voir, Valentin constata que des bandages légèrement humides semblaient recouvrir presque intégralement son agresseur.
« Enfin bon. Je crois que je ne suis pas le seul mort-vivant ici du coup. N'est-ce pas, ma très chère Am...
- Ta gueule. »
La voix était rauque et asséchée et douloureuse.C'était un râle plus qu'une parole. La silhouette contracta légèrement l'index, un centimètre encore et la balle serait tirée.Alors même que toute l'attitude de la silhouette se faisait plus menaçante, Valentin fut prit d'un rictus...
« Héhé... Hahahahahaha. »
... Qui se transforma rapidement en un rire franc et massif. Les bras croisés sur le ventre, l'homme se contenta de rire, de rire, de rire, jusqu'à avoir des larmes au coin des yeux.
« Hahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahaha.
Très bien, très bien. Je me demandais quand est-ce que vous vous décideriez à enfin dire quelque chose. Deux mots, si simples, mais qui veulent tout dire. C'est bien. J'aime les gens comme vous
Malheureusement, je ne pourrais répondre à aucun de vos désirs, qu'il s'agisse de me taire, de me laisser capturer,ou même de mourir. Je ne suis qu'un cadavre ambulant certes, mais Vlad a encore besoin de moi, et j'ai promis à Fen de veiller sur elle. Donc, au vu de ce qui va se passer dans un instant, voyez plutôt tout cela avec ma sœur. »
Un centimètre.
Et la balle fut tirée.
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[Apocryphe] (Improctobre 2016)
FantasySérie de nouvelles, chacune écrite en un jour tout au long du mois d'octobre et se déroulant toutes dans l'univers d'[Apothéose]. Sera sûrement retravaillé par la suite. Titre non-définitif aussi.