Peu à peu, le monde l'avait engloutie.
Sa conscience s'était peu à peu éteinte, se fragmentant en un millier de morceaux de verre, qui se divisèrent eux-mêmes, et ainsi de suite, jusqu'à disparaître dans l'atmosphère. En cet instant, lors de cette micro-seconde, elle n'avait jamais eu aussi conscience de faire partie d'un tout...
Avant de se faire arracher à cette sensation de plénitude et de sombrer à jamais dans l'Oubli.
Elle n'avait laissé derrière qu'une coquille vide, un corps désarticulé.
Ses cheveux étaient noirs de jais, la pâleur de sa peau n'avait été qu'accentué par sa longue maladie. De sombres cernes marquaient encore son visage malgré la sérénité qui s'en dégageait.
Personne ne lui avait rendu visite depuis longtemps. Sa famille l'avait installé dans ce sinistre hôpital avant de l'oublier. Une fois, quelqu'un avait vu un jeune adolescent s'arrêter devant sa porte, avant de partir en courant sans même avoir frappé à la porte. Elle était abandonnée de tous.
A sa mort, on l'avait alors placé dans cette étrange morgue, sertie de runes et de symboles occultes, où le temps semblait s'être arrêté, où l'encens se mêlait au formol. Le carrelage des murs étaient lavés régulièrement par d'étranges êtres aux yeux dépourvus de vie, dont l'âme n'était plus qu'un amalgame d'existences brisées, de fragments divins coalescés en un étrange homoncule spirituel.
...
Ce fut ici que, comme tant d'autres auparavant, elle s'éveilla.
Longtemps, elle observa son corps, habitua ses yeux à fonctionner. Le monde lui semblait terne, sans couleur. Elle se sentait enveloppée, noyée dans une substance épaisse, et le moindre de ses mouvements faisaient ses muscles qui avaient tout juste commencé à se nécroser avant de revenir à leur état initial.
Peu à peu , elle se sentit à l'étroit dans ce corps, dans ce cerveau, dans cet âme. Des milliers d'informations continuait à affluer dans son cerveau sans trouver de place, débordant à travers tous ses sens. Toute sa conscience, les milliers d'années de son existence tentaient de tenir dans un si petit crâne, dans un si petit corps.
Sa conscience lui paraissait être devenue une sorte d'étrange pâte, à la fois extrêmement solide et malléable, et qui s'écrasait contre toute la paroi de son crâne.
La douleur devenait intolérable.
C'est alors qu'elle ressentit une coupure, puis un vide, puis plus rien.
*
* *
Les jours avaient passé, puis les mois, puis les années.
Sophie De Bussy était assise dans sa voiture et regardait le flot de lumière des phares avançait au rythme lancinant de la circulation. Malgré le froid, les vitres étaient grandes ouvertes et laissaient passer l'air glacé sur son visage. Le ciel s'assombrissait peu à peu tandis qu'une neige fine s'évanouissait sur le bitume.
Elle tenait dans sa main droite un médaillon.
A l'intérieur, on pouvait y voir deux enfants tenant la pose, bras dessus-dessous. Et malgré les années passées depuis la prise de cette photo, la Déchue voyait dans l'enfant de droite son propre visage.
Celui d'une autre Sophie.
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[Apocryphe] (Improctobre 2016)
FantasiaSérie de nouvelles, chacune écrite en un jour tout au long du mois d'octobre et se déroulant toutes dans l'univers d'[Apothéose]. Sera sûrement retravaillé par la suite. Titre non-définitif aussi.