Les deux lames étincelaient à la lueur des lampadaires. Le métal paraissait presque brûler sous la lueur jaune des lumières étrangement chaleureuses de la ville.
Fen abattit ses deux armes dans un unique mouvement. Un liquide rouge et chaud se répandit sur le bitume alors que les deux poignards demeurèrent enfoncés dans le bras de son adversaire.
La rue était étrangement silencieuse. Aucun riverain ne semblait avoir porté son attention sur les bruits de lutte qui résonnaient tout le long de cet espace qui semblait s'attirer à l'infini , hors du temps, jusqu'à finalement disparaître dans la brume nocturne.
« Bordel, t'es quoi ? Un monstre ?N'importe qui d'autre serait déjà au sol à me supplier de l'épargner... J'avoue. Je suis impressionnée. »
Fen s'était légèrement éloigné et prenait enfin le temps d'observer un peu mieux la personne qui s'était jeté sur elle il n'y a même pas cinq minutes.
C'était une force de la nature. Sa taille en elle-même était déjà imposante, mais il en était de même pour son attitude. Même si quatre ou cinq mètres les séparaient, Fen avait l'impression de se retrouver au pied d'une montagne. Elle se sentait écrasée, oppressée, comme si elle luttait contre la gravité elle-même.
Pourtant, le regard tranquille de son adversaire ne laissait en rien penser qu'il pouvait exulter une aura aussi menaçante. Son visage ciselé demeurait inexpressif, mais un étrange calme transpirait de son attitude-même.
Il ne souhaitait pas la tuer. Il n'y avait aucune haine qui l'animait, aucune motivation, aucune peur.
Rien.
Il n'agissait ainsi que parce que c'était le cours des choses.
Comme si ce n'était que le cycle de la nature.
A ses yeux, Fen n'était même pas une proie...Elle n'était que quelque chose qui ne devrait plus être.
Fen sentit chacun des poils de son corps s'hérissaient d'un seul coup, alors même que ses deux genoux plièrent subitement sous le poids de son propre corps.
« Quoi ?
- Lutter est inutile. Tu n'apportes sur toi que plus de souffrance. »
Ses lèvres avaient à peine bougé. Le front plissé, ses yeux semblaient s'être très légèrement rétrécis,comme s'il se concentrait toute son attention sur Fen.
A ce moment-là, Fen comprit enfin.
« Ah bordel... J'aurais dû m'en douter.Alors, Charles, c'est toi qu'il a envoyé. Il croit encore que c'est de ma faute, ce connard.
- Silence. Je ne crois pas t'avoir donné l'autorisation de parler. »
La pression se fit encore plus écrasante. Les genoux de Fen commencèrent à se plier encore un peu plus, tirant au maximum les muscles de ses jambes. La douleur devenait insupportable,mais Fen tenta de son mieux de ne rien laisser paraître.
« Tu travailles enfin pour l'armée. Mes félicitations. Ça fait quoi d'avoir enfin son identité reconnue par l'Etat.
- ... »
Pour seule réponse, Fen sentit son crâne devenir de plus en plus lourd, comme si son cerveau enflait et prenait de plus en plus de place. Le liquide qui enveloppait son cerveau semblait s'écraser contre les parois de sa tête, jusqu'à ce que la pression devienne intenable. Une douleur lancinante et sourde qui commença à assombrir sa vision.
Lorsque son front rencontre la sol, Fen vit une lumière aveuglante, puis le rouge de son sang.
« Ah, bordel, ça va mieux, je crois. Si tu veux, je peux carrément m'ouvrir le crâne, ça sera plus rapide,non ? »
Charles eut un rictus. Silencieux, il s'approcha et prit le menton de Fen entre ses doigts fins, qui contrastaient avec le reste de son apparence.
« Je viens juste te prévenir.
- ... »
Fen détourna les yeux, réprimant de son mieux l'envie de cracher à la figure de cette ancienne connaissance qu'elle avait un jour considéré comme un ami. Une époque lointaine qui lui revenait douloureusement en mémoire.
« Ne t'approche pas de lui. Ne tente rien.Sinon, je devrais te tuer. »
Il resta un instant immobile avant de finalement relâcher le menton de Fen.
« Maintenant, va retrouver les ignorants qui ont l'idiotie de vouloir te suivre... »
Enfin les jambes de la louve semblèrent être libérées de l'accablante emprise du Déchu. Fen esquissa un mouvement de recul
« Les mêmes erreurs vont simplement se répéter, tu le sais bien. Alors pourquoi est-ce que tu poursuis encore cette voie ? »
La question de Charles ne demandait pas de réponse.Il se l'était simplement posé à lui-même, l'avait presque murmuré. Et pourtant, Fen répondit comme si elle l'avait entendu.
« Parce que moi, je continues de croire en elle. »
Charles sentit une brûlure sur la joue. Une douleur vive puis une chaleur irradiant de sa joue. Il porta un doigt à sa joue et observa le liquide rouge, le fit glisser le long de son index, comme intrigué.
Lorsqu'il releva enfin les yeux, Fen était déjà partie. Charles leva la tête.
Mais au cœur de la brume, il fut incapable de voir la lune l'enveloppe de sa douce étreinte.
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[Apocryphe] (Improctobre 2016)
FantasySérie de nouvelles, chacune écrite en un jour tout au long du mois d'octobre et se déroulant toutes dans l'univers d'[Apothéose]. Sera sûrement retravaillé par la suite. Titre non-définitif aussi.