Texte 14

5 0 0
                                    

Il y avait dans leurs ombres une douce noirceur, quelque chose d'infiniment sombre, absorbant la lumière environnante tout en renvoyant une image idéale du cosmos. Leurs environs immédiats résonnaient d'une douce sérénité, comme si le monde entier, en cet endroit, suivait l'ordre des choses telles qu'elles auraient dû toujours être.

Un fragment de perfection dans ce monde chaotique, une causalité pure et parfaite où chaque chose semblait aller de soi. Le passé et le futur fondait en une monade unique et véritable, un lieu hors du temps mêlé à un temps hors de l'espace.

Adossées à un mur de briques rouges, les deux silhouettes ne prêtaient absolument aucune attention à l'imperfection du monde qui les entourait.

« C'est pour ça que je hais tellement sortir, j'ai l'impression que tout le monde nous regarde.

- Ne dis pas ça, Camille. »

Camille tourna la tête, ses cheveux noirs de jais tombant en volutes parfaites sur les contours de son visage. Le manteau beige qu'iel portait formait un drapé parfait jusqu'à ses genoux. Une cigarette au coin des lèvres, iel baissa les yeux en soupirant.

« Mika, franchement, tu es encore en train de jouer à ce jeu stupide... »

Assis-e par terre, la tête engoncée dans un bonnet bleu nuit et emmitouflé-e dans une lourde veste noire, Mika répondit sans même décrocher même pas les yeux de son téléphone, où une petite forme longiligne noire pourchassait de petits points à travers tout l'écran.

« Je ne te juge pas quand tu pense que tenir en poirier plus de dix minutes est la chose la plus intéressante à faire de ta journée, alors j'aimerais que tu ne le fasses pas non plus dans ce genre de cas de figure.

- Touché-coulé, mon navire sombre maintenant au fond des océans, j'espère que ça te fait plaisir... »

Un bras sur le front, Camille avait sorti sa dernière réplique dans un élan théâtral des plus sarcastiques. Malheureusement, sa performance ne sembla avoir aucun effet notable sur une personne comme Mika.

« Ah... ? Ça a encore planté. Ils devraient apprendre à faire des machines capable de supporter le trilliard de points sur un jeu.

- Comme s'ils allaient faire des concessions pour des gens comme nous... Ce sont que de petits et tristes humains, après tout. »

Camille tapota le sol de la pointe du pied, faisant résonner le cuir de sa bottine contre le bitume. Au même instant, Mika fit éclater le chewing-gum qu'iel avait mâché le plus silencieusement du monde.

Et pour un instant d'éternité, le monde prit un tout autre rythme.

[Apocryphe] (Improctobre 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant