Texte 10

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« Comment va ta sœur, Valentin ? »

Phen avait posé cette question subitement. Sous sa chevelure rousse, des yeux d'un bleu profond fixait le jeune homme aux cheveux légèrement graisseux. Surpris, Valentin articula quelques mots :

« Hmmm, ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu, je ne pourrais pas vraiment te dire... Mais attends, comment tu sais que j'ai une sœur ?

- J'ai retrouvé ton médaillon il n'y a pas longtemps. Je sais que ce n'est pas vraiment correct de ma part, mais je l'ai gardé avec moi. Au cas où. »

Valentin soupira en passant une main dans ses cheveux.

« J'imagine bien que tu ne l'as pas laissé tomber par mégarde. Tu l'as volontairement oublié, non ?

- ... »

La rue était vide. Les deux compagnons marchaient lentement au milieu de la route. Fen portait une robe bleu nuit et élégante qui lui descendait jusqu'aux chevilles. Elle portait sur ses épaules une veste lourde en cuir qui contrastait avec le reste de sa tenue.

« On pourrait ne pas en parler. C'est du passé, tout ça. J'ai juste... Je... » finit par dire Valentin en prenant un air sombre.

Sans un mot, Phen accéléra subitement le pas, laissant la lumière du soleil couchant l'inonder de lumière et de chaleur avant la froide nuit à venir. Valentin, les yeux baissés, continuait à traîner des pieds derrière elle.

« Je sais que nous avons tous nos problèmes. Des parents qui nous rejettent, des gens qui nous haïssent pour ce qu'on est, des remords qui nous rongent... »

Le voyou ne savait pas vraiment si elle s'adressait avant tout à lui ou à elle-même, mais il préféra ne rien rétorquer. Elle avait besoin de parler, de s'exprimer, de donner des mots aux pensées qui devaient l'assaillir en ce moment-même.

« Peut-être aurais-je dû jouer la comédie à l'époque ? Quand tout le monde pensait encore que j'étais ce petit garçon toujours triste et silencieux. Peut-être aurais-je moins souffert si j'étais parvenu à me mentir au point d'y croire pour de bon. Ou peut-être que je n'aurais même plus été là pour en parler.

- Phen...

- Je n'ai pas envie de me cacher de mon passé, et des souffrances que j'ai pu connaître. Ils font partie de moi, et je dois vivre avec. La fuite en avant ne résout jamais rien. »

Dans un geste gracieux qui fit voler le bas de sa robe, Phen se retourna vers Valentin.

« Je ne te demande pas de me parler de ton histoire, mais je veux juste... que... Que tu l'affrontes, peu importe le choix que tu fais. Brûle ce médaillon, ou porte-le à ton cou, mais ne prétend pas l'oublier comme si cela allait résoudre quoi que ce soit. »

Phen prit la main droite de Valentin entre les siennes et y posa un petit médaillon en laiton. A l'intérieur, on pouvait y voir la photo de deux enfants, bras dessus-dessous.

Valentin laissa s'échapper un rire à la fois amer et mélancolique. Son cœur se serra à la vue du visage de sa sœur.

D'un geste vif de la main, il referma le médaillon. Alors qu'il relevait la tête, il vit Phen, les bras tendus. Valentin ne put s'empêcher de sourire et laisser une larme glisser le long de sa joue devant une telle marque d'affection. Et il accepta l'étreinte :

« Franchement, je comprends pourquoi Fen t'as préféré à moi. Je n'ai aucune chance face à quelqu'un comme toi. »

[Apocryphe] (Improctobre 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant