Texte 17

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Elle portait l'arme du bout des doigts.

Le canon pointé vers le sol, le pistolet dégageait une aura froide et sombre, une sensation d'inévitable qui absorbait toute la chaleur des environs. Les couleurs aussi semblaient perdre de leur éclat, alors que ce miniscule point noir prenait de plus en plus de place dans le chaos de l'existence. La neige elle-même se teintait de gris en sa présence. Non pas le gris du temps qui passait, et des milliers de pieds foulant la splendide blancheur hivernale, mais le gris délavé et perdu de son absence, comme si le temps s'était figé en une vieille photo oubliée par les âges.

Ce n'était pas la première fois que Phen portait une arme, mais elle pouvait sentir toute sa vivacité, toute sa vie, se perdre peu à peu dans les méandres de cet outil de métal et de flammes.

Elle releva péniblement l'objet jusqu'à ses yeux bleus. Le canon désormais levé vers le ciel, il se confondait avec le reste du paysage, tel un gratte-ciel fuselé et futuriste.

Phen se rémémora les derniers évènements. La fuite et les cris.

Au loin, des uniformes luttaient contre une révolution. Contre la révolution.

Phen avait grandi à l'ombre de l'Index, et sa pensée avait été influencée par tous ses auteurs Déchus interdits et dont elle avait eu la rare chance de lire la prose. Elle récita dans sa tête ses passages préférés d'un recueil de poème, puis le chapitrage d'un essai, avant de se plonger dans la terrifiante auto-biographie d'un exécuté.

Elle se revit, enfant, pâle d'avoir découvert ce qu'il avait pu advenir à ses semblables dans le passé, et à ce que leur réserver leur avenir.

La réalité s'était imposé à elle dés son plus jeune âge, mais ce n'était que maintenant qu'elle se rendait compte qu'elle avait continué à vivre dans un rêve.

Une révolution n'était jamais douce et paisible.

Elle ne s'effectuait jamais dans le calme mais hurlait, criait son existence au monde, s'imposait à la réalité jusqu'à dispaître ou devenir le nouvel ordre. C'était un horrible bébé, une chimère dont l'apparence était sembable aux milliers qui l'avaient engendré : une créature difforme et horrible, un vagissement plaintif dans l'obscurité de l'univers.

Et pourtant...

Pourtant, cette masse de chair en mouvement, ce magma de pensées en ébullition, c'était une vision si exaltante. Les choses bougeaient, existaient ; les gens vivaient.

Et dans ses mains, Phen tenait une arme à même de changer le cours de choses à jamais, de confirmer l'évolution, la révolution, l'annihilation de cette société.

Entre ses mains, la noirceur de l'arme se fit plus intense, jusqu'à donner l'impression d'absorber toutes les ténèbres environnantes, jusqu'à ce que le monde devienne plus éclatant. Les ombres disparaissaient peu à peu à la lueur ténébreuse de cette arme et le métal du canon refléta un regard sinistre.

« Alors ? »

La silhouete était apparue d'un seul coup, comme née de la lumière elle-même. Des cheveux blonds tombaient en douces mèches sur son front, et son attitude toute entière inspirait le calme, mais une odeur tenace de sang émanait de toute sa personne.

« Alors... Je n'en ferai rien. Je ne suis pas la personne pour cela. Trouve un autre symbole de cette révolution. »

Phen se mordit les lèvres. Puis, dans un long soupir, elle donna l'arme à l'homme blond, qui l'accepta en silence. Le monde reprit enfin des couleurs quand l'arme fut dissimulée dans la poche d'un pantalon.

Au loin, on entendait des coups de feu, des cris.

Phen releva la tête, portant le regard au loin, jusqu'à un imposant bâtiment.

« Et puis, de toute façon, j'ai quelqu'un à aller sauver. »

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 01, 2016 ⏰

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[Apocryphe] (Improctobre 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant