Chapitre 10 - Renaissance

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Emily se retourne une énième fois dans son lit. Elle n'arrive pas à trouver le sommeil. Elle repense à la journée qu'elle vient de passer en compagnie de sa mère.

Après l'avoir réveillée, Emily l'avait littéralement traînée hors du lit jusque dans la cuisine. Elles avaient bien ri et Anna s'était jointe à leur conversation. Etonnement, sa mère ne s'en était pas plainte et Emily avait adoré ce moment de complicité ensemble : trois filles, de tous les âges, qui discutent pourtant de la même chose. Elles avaient passé le reste de la matinée à bavarder et à ouvrir ses cadeaux. Sa mère s'était lâchée et elle avait reçu un tas de vêtements, de chaussures, d'appareils high-tech et de livres. On aurait dit que c'était la dernière fois que sa mère la voyait. Anna, elle, avait été plus simple. Elle lui avait offert un unique bracelet. C'était une chaine en argent avec une petite couronne où était gravé le mot « princesita ». Emily s'était jeté dans les bras de sa gouvernante, les larmes aux yeux. Anna lui avait fait le plus beau des cadeaux. L'après-midi s'était déroulée plus calmement : un film, une petite discussion entre fille, une part de gâteau engloutie,...Un anniversaire comme elle les aime : calme et sobre. Pas de fêtes monstrueuses, de tonnes de camarades de classe, pas d'alcool,...Emily aimait s'amuser mais avait tout de même des limites, enfin, de nouvelles limites.

Grâce à cette merveilleuse journée passée entre filles, elle en avait presque oublié ses amis disparus. Et leur absence lui fait toujours aussi mal.

Et maintenant, elle se retrouve dans son lit, allongée sur le dos, à fixer son plafond d'un blanc immaculé à la recherche d'une petite tâche. Heureusement, elle trouve vite une imperfection et lâche un soupir d'apaisement. Dieu sait que le blanc et elle ne sont pas amis.

Elle se retourne dans son lit. Elle a chaud, vraiment chaud. Les couvertures la gênent et sa peau lui démange. Ses dents lui font un mal de chien et ses mains sont lourdes et douloureuses. Elle a la soudaine impression d'être passée sous un rouleau compresseur. Un filet de sueur coule dans son dos, la faisant frissonner. Ca y est, elle est malade ! La grippe a décidé de frapper à sa porte et d'y entrer sans y être invitée. Super ! Elle avait juste besoin de ça...Plus d'amis, pas moyen de trouver le sommeil, et une grippe carabinée. C'est bien sa veine. Elle pousse ses couvertures, attrape ses chaussons et enfile un peignoir sur son fin pyjama. Elle le retire puis le remet. Elle a des vagues de chaleur puis d'un coup, elle meurt de froid. Qu'est-ce qui ne va pas chez elle ? Elle avance à petits pas hésitants. Ses membres tremblent et une fine couche de sueur recouvre son corps. Elle passe discrètement devant la porte de la chambre de sa mère. Si jamais cette dernière la voit dans cet état, elle l'emmènera aux urgences. Et Emily ne veut plus mettre ne serait-ce qu'un orteil dans un centre médical ou un hôpital de toute sa vie: cela lui rappelle de mauvais souvenirs qu'elle désire enfouir. Et puis, elle a dix-sept ans. Elle peut gérer une grippe toute seule.

Elle s'agrippe à la rampe et descend les escaliers les jambes tremblantes. Ce chemin qu'elle emprunte tous les jours lui paraît être un véritable parcours du combattant sur le moment même. Après avoir évité les marches glissantes, elle arrive enfin dans la cuisine. Emily ouvre l'armoire à pharmacie et en sort des antidouleurs, espérant pouvoir baisser sa température et se sentir mieux. Elle attrape le flacon d'une main hésitante et y verse deux comprimés. Elle s'apprête à les enfourner dans sa bouche lorsqu'un bruit attire son attention. Il est faible, presque imperceptible. Il semble venir du jardin. Elle laisse ses comprimés sur la table et s'approche de la fenêtre. Elle scrute la pénombre. Super, en plus de la longue liste de symptômes qu'elle présente déjà, elle peut ajouter « hallucinations » à la suite.

Elle commence à fermer le volet de la cuisine en secouant légèrement la tête pour se remettre les idées en place lorsqu'elle croise deux yeux d'un bleu flamboyant. Ses yeux...Ethan ! La jeune fille se précipite vers la porte d'entrée, la déverrouille, non s'en s'y prendre à deux fois, et sort en courant maladroitement dans le jardin. La lampe extérieure s'allume, détectant un mouvement. Elle cherche ces deux lueurs mais ne les trouve plus. Aurait-elle rêvé ? Elle porte la main à son crâne et secoue doucement sa tête, baissant les yeux. Son front est bouillant. Elle ricane nerveusement. Elle hallucinait de plus en plus : d'abord les bruits, maintenant des mirages. Elle se tourne, se dirigeant vers la porte, lorsqu'elle tombe à genoux, un cri de douleur déchirant sa gorge. Elle est pliée en deux, la main sur le ventre. Elle a envie de vomir, ce qu'elle s'empresse de faire dans le buisson d'à côté. Elle sent ses organes se déplacer, ses os craquer. Elle hurle. Que se passe-t-il bon sang ?

Le Royaume d'Arkansas - OriginesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant