Je n'aime pas le café. C'est amer, ce n'est pas sucré la plupart du temps, et il y a ce goût désagréable qui reste dans ma bouche après l'avoir bu. Je me souviens maintenant pourquoi je ne prends jamais de Latte Noisette Caramel quand je vais au Starbucks du coin. Rien ne vaut un bon chocolat chaud.
C'est penaud, et déçu d'avoir claqué 5.55euros dans cette horreur, que je jette mon gobelet dans la première poubelle que j'aperçois. Je passe une main dans ma tignasse rousse, et soupire. Les jeunes filles que je croise ne me lâchent pas du regard, mais il n'y en a pas autant qu'avant. Il faut dire que j'ai perdu beaucoup de poids ces temps-ci, et que je ne prends plus aussi soin de moi. Mais ça fait plaisir de constater que j'attire toujours l'œil.
J'ajuste mon perfecto en cuir bleu, assorti avec mon jean délavé et mes Doc Martens. J'ai été obligé de mettre un manche-longues en dessous de ma veste, et bien que les températures automnales soient au rendez-vous, je crève de chaud. Foutu t-shirt. Et tout cela sans compter que j'ai dû laisser mes jeans déchirés au placard, pour quelque chose de plus classique, mais tout aussi moulant. C'est la première fois que je ne sens pas à l'aise dans mes vêtements, et ça me perturbe assez, je dois dire.
Tandis que j'avance, les talons de mes chaussures claquant sur le bitume, je repense à Yoongi, et ce qu'il m'a dit à propos de son père hier. Je n'aurai jamais soupçonné que sa situation familiale soit aussi compliquée. Je l'ai toujours pris pour le gosse de bourges, aux parents aimants, qui lui achetaient tout ce qu'il voulait et le couvraient de cadeaux. La vie dont tout le monde rêve et qu'au final, personne n'a.
On ne peut pas dire non plus que ma situation à moi est plus joyeuse. Dans ma famille, nous sommes cinq enfants ; et je suis l'aîné. Nous avons toujours été en manque d'argent, possédant des dettes que nous ne pourrons peut-être jamais rembourser. Je suis parti de la maison quand j'ai compris que ça aiderait mes parents, d'avoir un enfant à charge en moins. Bien sûr, ils étaient opposés à ça, mais je l'ai fais quand même. Je suis parti habiter chez ma tante, jusqu'à ce que les choses s'arrangent. Elle habitait dans la même ville que nous, à 30 minutes à pied de notre maison. Ce qui m'a donné la possibilité de continuer à étudier dans le même endroit. Pendant un temps, j'ai fais des petits boulots, çà et là, pour rapporter de l'argent à la maison. Ce n'était pas toujours très net, comme travail, mais je m'en fichais. Et puis, c'est comme ça que j'ai connu Su Hyun. C'était une petite dealeuse, pas très influente, et quand son trafic a été découvert, elle a été contrainte de tout arrêter. Cependant, elle avait gagné assez d'argent pour vivre confortablement quelques années. On s'est tout de suite liés d'amitié, et quand je lui ai parlé de ma situation, elle m'a proposé de venir habiter chez elle. Mes parents et ma tante n'étaient pas trop pour que j'aille vivre avec une inconnue, alors j'ai dû la faire passer pour ma copine, pour que ce soit plus "digérable".
C'est quelque temps après qu'elle est tombée malade. Au début, ce n'était qu'une tumeur bénigne, inoffensive presque. Mais elle a pris de plus en plus de place, et ça s'est aggravé. J'essaie d'être toujours là pour elle, quand elle a besoin de moi. Je prépare les repas, vais faire les courses et m'occupe du ménage. Ça l'énerve, que je me charge de tout. Elle dit qu'elle peut très bien le faire elle-même, et je n'en doute pas une seconde. Mais elle comprend que j'essaie juste de prendre soin d'elle, alors elle laisse passer.
J'entre dans mon bâtiment, et emprunte les escaliers au lieu de l'ascenseur. Lorsque j'arrive devant ma porte, je sors les clés de ma poche, et rentre celle qui correspond à la serrure dedans. La porte s'ouvre, j'entre, la referme et me déchausse. Une odeur de cramé attaque mes narines, et je me dirige vers la cuisine en me demandant ce qui se passe.
Je découvre ma colocataire, avec un tablier et des gants entrain de sortir un plat carbonisé du four. Elle se retourne, et m'offre un sourire gêné avant de déclarer ;
- Je voulais faire des cookies, mais j'avais oublié que je savais pas cuisiner.
Un rire léger retentit dans la pièce, le mien, et j'ouvre le frigo pour en sortir une bouteille de Yop avant de m'assoir sur le comptoir et boire une gorgée. C'est nettement meilleur que le café.
- Ta mère a appelé. Tu as manqué ta dernière séance chez le psy, et elle veuille que tu y ailles absolument demain. me dit Su Hyun en retirant les gants avant de les poser sur la table.
- J'irai. je promets, en refermant la bouteille à l'aide du bouchon.
Je sens que demain ne sera pas une partie de plaisir.
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J'ai passé la nuit à me tourner et me retourner dans mon lit, alors que l'image d'une seule et unique larme dévalant la joue de Yoongi me revenait en tête encore et encore. Je ne cesse de me demander, pourquoi ? Il n'avait aucune raison de pleurer, pour une fois. Et je dois avouer que ça ne me fait plus autant plaisir qu'avant, de le voir chialer par ma faute.
Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Est-ce que j'aurais pitié de lui ?
Je n'espère pas. Parce que ça craindrait vraiment, dans ce cas-là.
J'ai peur de me réveiller demain matin, et d'avoir rêvé tout ça. Toutes les fois où je lui ai fais du mal. Toutes les fois où je l'ai fais pleurer. J'ai peur de me réveiller et de voir que rien n'était vraiment réel, qu'il ne me déteste pas et qu'il n'y a jamais eu de conflits entre nous. J'ai peur de regretter mes actes. J'ai peur de m'en vouloir, de lui en vouloir.
Je ne veux pas l'apprécier. Je ne veux pas ressentir ne serait-ce que le moindre sentiment d'empathie à son égard.
Mais mon cœur est un traître. Il fait tout, tout sauf ce que je voudrais qu'il fasse.
J'ai beau le rabaisser, le traiter de moins que rien, il y a toujours cette petite voix dans ma tête, cette foutue conscience, qui me souffle que je ne pense pas vraiment ce que je dis, que je me mens à moi-même.
Et puis il y a le démon, cette autre voix qui est plus que dérangeante, et qui me pousse à me faire du mal. Je ne la supporte pas. J'ai tout tenté pour la faire taire. Mais je n'y arrive pas. Je ne m'en débarrasse jamais complètement.
Quand je ferme les yeux, ce que je considère comme la voix du diable, celle du vilain, me dit qu'au fond, je n'aide personne. Que je ne suis qu'un égoïste. Que je n'ai pas travaillé pour aider mes parents qui étaient dans le besoin, mais bel et bien parce que j'avais peur qu'ils me rejettent, que je me retrouve seul. Que je ne m'occupe pas autant de Su Hyun pour qu'elle se sente mieux, mais pour que moi, je me sente mieux. Parce que j'ai peur qu'on m'abandonne. Je ne veux pas qu'on me laisse, alors je fais tout pour me faire bien voir, espérant que mon entourage m'aimera et me gardera auprès de lui. Et d'après cette voix, ce serait aussi pour cela que je m'en prendrais à Yoongi. Parce qu'il me faut un défouloir, quelque chose qui me permette d'évacuer tout mon stress.
Et dans ce cas-là, je suis désolé pour lui, car il n'est que le bouc émissaire de ma folie.
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HARCÈLEMENT (yoonmin)
Fanfiction(À L'ABANDON) « mon corps et mon coeur après ton passage se sont retrouvés sourds ; la douceur de tes mots n'égalise en rien celle de tes lèvres. » yoongi et jimin, unis par une relation agresseur et agressé après une étrange scène de leur adolescen...