Mysterious Eyes - En cours de réécriture (Dispo en Broché et Ebook sur Amazon)

Part 14 : Cause à effet

J'essaie de rattraper Aden qui fend la nature comme s'il la connaissait par cœur. Il marche vite, trop vite sur le chemin irrégulier. Ses longues jambes n'en font qu'une bouchée, tandis que je trottine misérablement pour rester à son niveau.

— Aden ! Tu ne sais même pas où tu vas !

Il ne se retourne pas, ne ralentit pas.

— Reste derrière moi.

Évidemment... Toujours au second plan ! Je peste.

— Tes hommes t'obéissent les yeux fermés, on dirait, dis-je d'un ton faussement léger, espérant le pousser à parler.

Il avance en silence, ignorant ma remarque.

— Tu m'écoutes ?! insisté-je.

— Ce ne sont pas mes hommes, lance-t-il froidement.

Aden et sa chaleur coutumière. Continue et on devra allumer un feu pour ne pas geler sur place !

— Tout laisse penser le contraire.

Il met une éternité à répondre.

— De ton point de vue.

— Tu les contraints avec ton... pouvoir ?

Je n'arrive même pas à croire que je prononce ce mot « Pouvoir ».

— Tu sais faire ça depuis longtemps ?

Aden préfère éluder :

— Ce n'est pas de la soumission, mais du respect.

Je hoche la tête, sceptique.

— Qu'est-ce qu'ils respectent chez toi ?

Sans prévenir, il dégaine une lame de son dos. La pointe effleure mon nez avant qu'il ne tranche d'un coup sec une branche qui bloquait son chemin. Le bois tombe lourdement à mes pieds, et je dois bondir en arrière pour l'éviter.

— Ils me font confiance, dit-il presque pour lui même.

— Pourquoi ?

— Pourquoi ? dit-il presque dans un murmure. Parce que je ne désire rien.

Rien ? Un homme sans désir, sans plaisir ? Impossible. Mais Aden n'est pas un homme ordinaire. C'est de plus en plus évident. Je me rappelle vaguement l'une des lois des Sentynels, le Serment des Gardiens de la Vie : l'absence de propriété individuelle, par exemple. Ils ne possèdent rien en propre, tout leur est fourni par l'état selon leurs besoins. Un toit pour dormir, à manger sans limite, tout le confort en somme... sauf le matériel. Mais qu'en est-il des autres désirs... ceux plus intimes ? Est-ce que l'absence de plaisir freine ce genre de désir ? S'il ne désire rien, pourquoi voudrait-il fonder une famille ? Ressentent-ils que les besoins vitaux.

— Ce pouvoir, je n'en veux pas, ajoute-t-il plus bas.

Et cette mission que tu t'es imposée avec moi ? Pour mon père ? Pourquoi t'en soucier, toi qui sembles te foutre de tout ?

— Ils savent que c'est pour leur bien, pas pour le mien, appuie-t-il d'une voix d'une sonorité plus grave.

Je comprends qu'il me renvoie à ma propre situation : je devrais lui faire confiance pour ma sécurité. Il a raison, je suis passée près d'y laisser ma peau. Cette aventure est bien plus dangereuse que je ne l'avais imaginé, mais cela ne m'arrêtera pas. L'envie de poursuivre mon chemin reste intact.

Je profite qu'il soit un peu plus loquace pour continuer à le cuisiner.

— Vous me cherchiez, alors ?