Je me suis assoupie quelques minutes assise, les genoux repliés contre ma poitrine, la tête sur le côté. J'ai très mal à la nuque.La douce lumière de l'aube filtre à travers les planches clouées au mur des fenêtres condamnées. Ce lieu est triste même à la lueur du matin.
Je croise mes bras, puis pose mon menton dessus. Je penche la tête et froisse les yeux essayant de chasser la migraine. Je me sens fatiguée. Je n'ai rien dormi. J'ai pensé aux derniers mots d'Emmy. Ils tournaient en boucle dans mon esprit, m'abrutissaient. Aden avec Emmy. Emmy qui a porté l'enfant d'Aden. La famille qu'ils veulent construire. Si tout cela est vrai, qu'est-ce que je ressens vraiment ? Est-ce de la jalousie ? De l'angoisse ? J'ai l'impression que c'est pire que ça. C'est dans le cœur et ça me coupe littéralement les jambes.
Je me sens honteuse d'avoir une vie aussi vide alors que la sienne est remplie... sans moi.
Je dois partir loin, c'est tout ce que me crie mon instinct. Il est hors de question que je reste prisonnière ici, avec lui, une seconde de plus.
Je scrute la pièce. Personne ne bouge. De calmes respirations me proviennent de là où les filles dorment encore. Je me lève et j'ai immédiatement le tournis. Je me stabilise en m'adossant contre le mur. Je prends mon front dans ma main droite pour contenir ce maudit mal de tête. Mon organisme est lourd, mais je dois le forcer, je me reposerai plus tard. Je traverse la pièce à pas de loup jusqu'à la porte. Lentement, j'actionne la poignée du vantail qui mène au petit jardin. Un crissement de rouille, je retiens ma respiration. Un pas, puis un autre, je suis dehors.
Je ferme doucement derrière moi puis je regarde le soleil qui grimpe entre les arbres. Ses premiers rayons caressent mon visage. Je ferme les yeux et me vide l'esprit, bloque tout. Les souvenirs sont maintenant enterrés dans le passé et à présent, le but est de courir sans se retourner. Non pas à l'aveugle, mais intelligemment. Je tends l'oreille. J'entends le ruissellement d'un courant d'eau et j'imagine qu'en remontant la rivière, je trouverai ce que je veux : mon sac avec à l'intérieur tout ce qu'il me reste de plus précieux. Je n'ai pas de temps à perdre, le soleil déjà m'éblouit.
— Où comptes-tu aller ?
Je sursaute tellement fort que j'ai fait un saut de cabri. C'est la voix d'Aden. Il sors des ténèbres de la forêts et approche pour s'arrêter à trois mètres devant moi. Ses pieds se plantent dans le sol comme de solides racines inhumées. Il me bloque le passage. Sous sa longue veste noire, ses épaules se soulèvent en écho avec sa respiration. Il parait trop grand, trop fort. Tout ce que je n'arriverais jamais à faire flancher.
Ses yeux dissimulés sous sa capuche, je perçois uniquement ses narines qui se gonflent et se dégonflent. Il est furieux.
— J'ai besoin de faire pipi.
C'est vrai en partie...
— Tu mens.
— Aden, c'est ridicule..., dis-je en un sourire crispé.
— Tu es ridicule.
Je souffle, résignée à cette douleur chronique qu'il provoque chez moi avec ses mots blessants depuis qu'on s'est retrouvés. Je reste droite et m'interdis de reculer. Je relève le menton.
— Je ne veux pas rester ici ! me rebiffé-je. Je ne suis sous le joug de personne et encore moins sous le tien ! Qu'importe les foutues lois de la nature, elles ne veulent rien dire pour moi.
Tu n'as même pas besoin de moi dans ta vie de toute façon.
Sa bouche s'étire en un léger rictus, puis reprend sa forme originelle, statique, glaciale. Enfin, Aden s'écarte sur le côté pour me céder le passage.
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Mysterious Eyes - En cours de réécriture (Dispo en Broché et Ebook sur Amazon)
Romance⚠️ POUR PUBLIC AVERTI ⚠️ Certaines scènes de cet ouvrage peuvent être choquantes (Sexe, meurtre, torture, viol) Ava est une jeune étudiante en médecine, fille d'un grand médecin, créateur des nouvelles lois martiales de Généapolis, cette ville consi...