Part 17 : Paradis

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Les Liaisons Dangereuses, Choderlos de Laclos

"Vous m'avez trompée, joué avec mon cœur comme on joue avec un jouet que l'on brise sans remords.

Pensez-vous que votre belle indifférence me fasse trembler ?

Non, monsieur, c'est vous qui devriez avoir peur.

Car un amour méprisé peut se transformer en une haine plus violente encore que l'amour lui-même."

***

Il devait être plus de vingt-deux heures quand il est rentré, a rallumé le feu et s'est assis près de la porte. Il avait les vêtements et les cheveux mouillés. Le sang sur sa main gauche avait disparu. A-t-il pris un bain dans la rivière ? Combien d'hommes a-t-il tué avant cela ?

Il m'a balancé un morceau de viande pas cuit enroulé dans une grande feuille. J'ai eu un haut le cœur, quand j'ai découvert qu'il s'agissait d'un foie d'animal encore sanguinolant.

— Mange, m'a-t-il dit simplement.

Quand on a faim... on a faim. Alors j'ai croqué et mastiqué ce truc infâme sans discuter. Aden n'a même pas pris la peine de dissimuler son regard lumineux braqué sur moi comme s'il le posait sur un meuble.

Qu'importe ce qu'il faisait ou pensait de moi, j'étais trop fatiguée pour endurer un nouveau conflit, j'ai fermé les yeux et me suis endormie.

Le chemin s'est passé dans une atmosphère glaciale et un silence de plomb. Deux jours à ne pratiquement pas s'adresser la parole. Au début, j'ai essayé de cacher mes émotions, mais la haine était tellement vive que j'avais l'impression qu'on me grignotait le ventre. Je ne faisais que cogiter encore et encore sur ce qu'on s'était dit. Je suis lucide. Je le hais, car son attitude me touche. Pourtant, j'aimerais m'arracher ce sentiment de colère et ne rien ressentir du tout. Je voulais ignorer cela, pourtant quelque chose naissait en moi, j'étais déterminé à lui rendre la pareille coûte que coûte.

La solitude et l'isolement ont façonné mon caractère. C'est vrai, il m'a bien fracassé hier, mais je suis forte et sais rebondir quoi qu'il arrive. Qu'il essaie, il ne me brisera pas. Je n'ai que faire de son jugement.

J'ai passé ma seconde nuit à lire sous ma lampe torche pour occuper mon esprit et anesthésier mes émotions. Je crois y être arrivée. Lire m'en fait toujours ressentir un tas qui ne sont pas vraiment les miennes.

Nous sommes sortis de la forêt pour rejoindre une route goudronnée en mauvais état. Le soir encore, je tenais parfaitement le rôle de muette. Je m'étonnais moi-même de garder un tel silence. La présence d'Aden m'avait toujours inspiré de nombreux discours. Cette fois, l'inspiration n'était pas au rendez-vous.

— Nous sommes arrivés, dit-il le lendemain après-midi après une longue marche sous le soleil au zénith.

La route s'arrête devant une énorme bâtisse en pierres grises partiellement recouverte de mousse végétale. L'endroit est humide et austère comme si ce lieu était à part, introuvable sur une carte et resté figé dans un temps plus ancien. Même les corbeaux jouent à peine sur l'hostilité des lieux. Qui aurait envie de vivre ici ? Des barreaux semblables à ceux des prisons habillent les quelques fenêtres de façade. Une croix chrétienne surplombe le linteau. Il s'agit vraisemblablement d'un monastère à l'allure de forteresse.

— Non merci, je ne suis pas prête à entrer dans les ordres, dis-je en tournant les talons.

La main brûlante d'Aden m'a déjà encerclé la nuque et non sans brutalité, j'ai le nez contre la grande porte en bois de chêne.

Mysterious Eyes - En cours de réécriture (Dispo en Broché et Ebook sur Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant