Part 29 : Gratitude

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Nous avons marché longtemps, très longtemps. Plus de trois jours au total. L'extinction de notre race ne rend pas le monde moins beau au contraire. Nous avons traversé de grandes vallées de bourgeons et d'herbes hautes, des paysages harmonieux où les fleurs exhalent de parfums subtils et délicieux. Les oisillons réclament à la cime des arbres, les arachnides tissent leurs toiles solides, les ruisseaux clairs chantent leur quiétude. 

Je décidais de profiter de tout ce qui s'offrait à moi comme poésie visuelle pour mon unique et dernier périple. Je me suis gorgé de la beauté et j'ai trouvé une certaine quiétude qui me calme et apaise mon caractère impétueux.

Sugaar clopine devant Cosma à deux filles de moi. Quelques fois, il se déboîte la nuque pour capter mon regard. Mais pour le moment, je me refuse de lui adresser un mot pour ne pas attirer l'attention d'Aden sur lui. Je détesterai qu'il lui fasse du mal par ma faute.

J'ai remarqué malgré moi les habitudes du Sentynel. Il ne reste jamais dans le silo des randonneurs. Il donne quelques consignes à Deneb et Damiano puis disparaît. Sa longue cape est tâchée de boue, surtout les manches lorsqu'il revient. Il prend soin de ne pas me regarder. Qu'il en soit ainsi, j'évite un maximum de lui prêter de l'attention. C'est fini tout ça.

Voilà plusieurs kilomètres que nous suivons une route goudronnée avant de bifurquer pour gravir une colline qui cache en contre bas une ville dévastée.

Je place ma main en casquette et cherche à mieux voir le résultat d'une guerre dépassant de simples révoltes ou insurrections. Les murs des maisons tiennent à peine debout, les étages sont ouverts au vide et en suspension, les buildings ont été visés de toutes parts en de lourdes et terribles séquelles que même par souci de mémoire nous préférions raser pour oublier.

Il y a eu des conflits internationaux avant le dernier exode, mais je n'ai que lu ou vu en images de tels lieux de désolations. Ce carnage me donne froid dans le dos et me fait perdre mes dernières quiétudes.

Dans les gravats, j'aperçois des silhouettes petites et chétives à moitié dénudées en mouvement. Je m'immobilise, puis les montre du doigt.

— Il y a des enfants là-bas, m'écrié-je.

Une partie des filles se retourne, imitée par Cosma, Thènes et Sugaar. La grande guerrière revient sur ses pas et me tire durement le bras vers le bas.

— T'es folle ?! Poursuis ton chemin sans nous faire remarquer. Je n'ai franchement pas envie de me battre aujourd'hui.

— Ils ont l'air de chercher de la nourriture, protesté-je. Je ne crois pas qu'ils chercheraient à nous nuire.

— Qu'est-ce que tu en sais ?!

Que Cosma me recadre avec véhémence est plutôt inattendu. Qu'est-ce qui lui prend ?

— Ils sont démunis, c'est tout...

C'est juste des enfants après tout. Je ne suis pas équipée pour leur porter secours, c'était juste une remarque.

— Justement, les gens démunis sont les pires, crache-t-elle avec dégoût.

— Qui a inventé cela ? Toi ? contré-je.

Son regard perçant m'assassine, puis dérive au-dessus de ma tête.

Un frisson me glace la nuque. Je devine qui se tient derrière moi. Sa chaleur corporelle irradie comme un feu de forêt. Comment ne pas sentir la présence d'Aden dans mon dos ?

Mysterious Eyes - En cours de réécriture (Dispo en Broché et Ebook sur Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant