6 - désillusion

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Janvier 1994

Edith souffla les treize bougies d'un coup. Aujourd'hui, elle avait un an de plus, et ce sentiment l'emplissait de joie. Elle n'avait qu'une envie : grandir le plus vite possible pour être totalement libre. L'indépendance l'attirait tellement qu'elle s'habituait déjà à rester seule, ou à travailler en totale autonomie. Elle adorait cela, se retrouver confrontée à un problème, regarder autour d'elle, et se rendre compte qu'elle seule pouvait le résoudre.

- Bon anniversaire, ma chérie, lança Elizabeth, sa mère.
- Tu as fait un vœu ? s'enquit Karl.
- Oui, celui de partir le plus vite possible d'ici.

Ses parents semblèrent troublés, et Edith se régala de leur expression défaite. Elle était consciente de gâcher l'ambiance, mais elle ne disait que la vérité, après tout. Rien ne la retenait nulle part, et ce détachement l'évitait de souffrir pour des histoires de cœur, de trahison ou de matériel.

Elle sortait toujours avec Karl, c'était d'ailleurs la seule personne qu'elle avait invitée à sa fête, mais elle ne l'aimait pas vraiment, il s'agissait davantage d'un repère.

Le gâteau terminé, elle ouvrit ses cadeaux. Sa sœur, Margareth, lui avait fabriqué un porte-clef à l'aide de carton et d'aluminium, qu'Edith allait perdre quelques heures plus tard, ses parents lui avaient acheté une robe blanche et bleue qu'elle ne portera jamais, et Karl avait dégoté un pendentif en forme de cœur, décoré d'un E et d'un K entrelacés.

Finalement, Edith et Karl montèrent dans la chambre, et alors qu'elle rangeait ses cadeaux, il ferma la porte avec un sourire entendu.

- Qu'est-ce que tu as ? s'étonna Edith.
- Ça fait un an qu'on est ensemble...
- Huit mois, et je t'interdis de m'approcher.

Edith savait très bien ce que Karl attendait d'elle. Elle n'avait pas spécialement peur de s'offrir à lui, ne se trouvait pas trop jeune et ne craignait pas de le regretter par la suite. Elle trouvait cela trop simple, c'était tout. Elle aimait se faire désirer, et se délectait de l'impatience de Karl.

- Allez, Edith... T'as peur ou quoi ?
- Pas du tout. N'essaye même pas de m'approcher.

Évidemment, Karl fit l'inverse, en avançant lentement vers elle, près à déboutonner sa chemise. Edith s'amusait de la situation, mais elle décida d'y mettre un terme :

- T'entends pas ce que je te dis ? Dégage.
- Ça va, je ne ferai rien. Promis.
- Je m'en fous, sors de ma chambre. Sors de chez moi, même.

Karl parut surpris et cru d'abord à une mauvaise blague, puis il comprit qu'Edith ne riait pas du tout. Elle répéta ses dernières paroles en criant, et Karl sortit rapidement de la maison, sans demander son reste.

Satisfaite, Edith le regarda depuis sa fenêtre, et elle jeta le pendentif de toutes ses forces, en riant.

Août 1998

C'était plus compliqué qu'il ne s'y attendait. Phoenix, la Capitale de l'Arizona, était une ville magnifique, mais il regrettait Londres ou même Bristol. Son père, James Williams, était tout à fait à l'aise, et avait déjà trouvé un emploi.

Quant à Alvaro, il était refusé partout, car soi-disant trop jeune. Il commençait à perdre espoir, et parlait même de retourner en Angleterre.

Un matin, son père lui avait donné rendez-vous dans un café en centre ville, aux alentours de dix-sept heures. Alvaro s'était assis en terrasse en attendant qu'il sorte du travail.

Mon insaisissableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant