20 - (re)chute

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Juillet 1999

Il était temps de partir. Tout le monde avait une maison où dormir, un train à prendre ou du moins une idée en tête concernant leur avenir. Pas Edith. Ce soir, elle allait quitter le lycée de Bristol, après deux ans passés ici, sans un seul mot adressé à sa famille.

Il lui était arrivé de penser à sa sœur et même à ses parents, mais jamais elle n'avait réfléchi à ce qu'il se passerait après. Maintenant, en fait. Elle n'avait pas le moindre projet, et ne connaissait personne pour l'héberger ou lui trouver du travail.

Elle avait préparé ses bagages sans grande conviction, comme un gamin qui fait son sac de cours la veille de la rentrée. En sortant de sa chambre, elle embrassa une dernière fois la pièce du regard, et de nombreux souvenirs ressurgissent.

Avant de se laisser emporter dans ce flot d'émotions, elle ferma la porte et quitta l'enceinte de l'établissement. Sa voiture, une vieille deux chevaux cabossée, l'attendait sur le parking. Elle chargea sa valise dans le petit coffre et démarra.

Cette année, Edith avait passé son permis de conduire pour pouvoir prendre le volant. Elle adorait cela, elle se sentait si libre ! Pendant ses week-ends, elle suivait la mer puis s'enfonçait dans la ville, en empruntant des ruelles sombres ou des chemins oubliés, et elle dormait sur la banquette arrière, la voiture arrêtée à l'endroit qui plaisait le plus à Edith.

Mais cette fois-ci, c'était différent. Plus rien ne lui appartenait, sinon sa voiture et les quelques affaires contenues dans sa valise. Si elle ne prenait pas sa vie en main aujourd'hui, personne ne le ferait à sa place.

Mai 1998

Edith avait rechuté. Elle s'était promis d'être forte et de résister à la vague, mais c'est un véritable tsunami qui s'était abattu sur elle. Deux semaines seulement s'étaient écoulées depuis le départ de Dewei, et Edith était à bout de force.

Elle ne savait plus s'alimenter et la nourriture la dégoûtait de nouveau, tandis que la dépression refaisait surface, plus tenace de jamais. Nue face au miroir, Edith pleurait à chaudes larmes en regardant son corps trop maigre et malade.

Un mardi, alors qu'elle s'apprêtait à sortir de la salle de classe, Monsieur Smith, le professeur de philosophie, la retint :

-  Edith, tu as quelques minutes ?
- Oui, mon prochain cours a été annulé, lui confirma-t-elle.
- Bien. J'aimerais qu'on discute un peu. Ça fait longtemps.

Edith parut soulagée. Cela faisait deux semaines maintenant qu'elle gardait toutes ces émotions pour elle, mais surtout qu'elle n'avait parlé à personne : elle ne connaissait personne à part Dewei, maintenant partie à l'autre bout du monde.

- Ça me va, acquiesça-t-elle lorsque tous les élèves furent sortis de la salle. De quoi voulez-vous me parler ?
- Je te retourne la question, Edith. Ça fait quelques jours que je t'observe et tu sembles aller... mal.
- C'est le bon mot. Tout s'est écroulé autour de moi, mais je ne veux vraiment pas vous déranger avec mes histoires.
- Tu sais, j'ai suivi des études de psychologie, ce qui implique un immense équilibre mental.
- Je ne vois pas vraiment où vous voulez en venir, avoua Edith.
- Un psychologue entend tous les jours les malheurs de ses patients. Pour ne pas qu'il sombre dans la même dépression qu'eux, il doit être maître de lui-même, tu comprends ?

La jeune fille se contenta de hocher la tête. Elle admirait Monsieur Smith, qui malgré son âge avait encore toute sa tête, et n'hésitait pas à la mettre au profit des autres, afin de les aider à s'en sortir.

Mon insaisissableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant