17 - vodka

25 5 16
                                    

Mars 1998

Edith enfonça progressivement son doigt dans sa gorge, jusqu'à sentir l'acide lui brûler l'œsophage. Elle se fit vomir comme elle ne l'avait pas fait depuis longtemps, et un sentiment de soulagement s'empara d'elle.

Quelques heures plus tôt, des côtes de porc étaient servies au réfectoire. Si l'odeur du rôti avait donné des nausées à Edith, elle s'était forcée de terminer son assiette, et avait même accompagné Dewei pour en reprendre une part.

Sa copine tenait à ce qu'elle s'alimente correctement, et surtout assez. Mais ça avait été trop pour Edith, qui s'était senti mal toute la soirée. Elle avait l'impression d'être un ballon de baudruche qu'on ne cessait de gonfler, et qui menaçait d'éclater à tout instant.

Lorsqu'elle sortit de la salle de bains après s'être brossé les dents, elle s'avança vers la fenêtre pour tenter d'apercevoir le garçon, mais il n'était pas au rendez-vous. Surprise, elle se demanda si une soirée avait lieu au lycée, mais ce n'était pas le cas, dans ses souvenirs. On frappa à la porte, et Dewei entra sans plus attendre.

- Alvaro fait une fête sur la plage ! s'écria-t-elle en sautillant partout.
- Alvaro ?
- Le gars à la fenêtre, c'est lui ! Il est super connu et aimé pour les soirées qu'il organise, il faut absolument qu'on y aille !

Edith se tourna vers Dewei, ne la reconnaissant pas. Elle qui est si sérieuse voire blasée d'habitude ressemblait à un enfant lâché dans une fête foraine. D'autant plus qu'elle n'avait pas essayé de parler à ce fameux Alvaro.

En fait, pendant ces six mois, elle n'était restée qu'aux côtés de Dewei, alors que celle-ci l'incitait à faire de nouvelles rencontres. Elle s'était coupée de tout le monde, n'était plus restée à la fin du cours de Monsieur Smith et n'était pas rentrée à Manchester pour Noël.

Elle n'avait besoin de personne, mais Dewei avait pris une place trop importante dans sa vie pour la laisser tomber.

- Tu veux vraiment rejoindre ces types ?
- Il a invité la moitié de l'école !
- Même nous ? s'étonna Edith.
- Apparemment, tu étais la première sur la liste...

La jeune Anglaise fut secouée d'un rire ironique, et s'allongea sur son lit, dos au matelas. Finalement, cela ne la dérangeait pas d'être seule dans sa chambre, car Dewei passait le plus clair de ses nuits avec elle, fidèlement couverte par ses colocataires.

- Ça n'a aucun sens, il ne connaît même pas mon nom.
- Il faut croire que si, conclut Dewei. Quoi qu'il en soit, ils nous attendent, alors habille-toi et on sort !

Edith poussa un soupir, mais s'avança vers son armoire afin de choisir sa tenue. Elle ne savait pas à quoi s'attendre, alors elle enfila une simple chemise à carreaux et un jean trop long, dont elle retourna les extrémités.

- Ça va, comme ça ? demanda-t-elle en écartant les bras avec désinvolture.
- Impeccable. Allez, on y va !

Dewei l'entraîna hors de la chambre et les deux filles descendirent les centaines de marches, plutôt que d'emprunter l'ascenseur. Finalement, la Chinoise avoua :

- On n'a pas le droit de sortir, en fait.
- Sérieusement ? Tu veux dire que sa fête est...
- Illégale, en quelque sorte. Mais c'est ça qui est amusant, non ?

Avant qu'elle ne puisse répondre quoi que ce soit, Dewei lui prit la main et se mit à traverser la cour en courant, l'adrénaline alimentant ses veines, avant de s'arrêter devant le portail.

- C'est par là qu'il faut passer. Monte en première, lui demanda-t-elle.

Edith, qui commençait à se prêter au jeu, s'exécuta, et lorsqu'elles furent assez loin, elle ne put retenir un cri de joie.

Mon insaisissableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant