21 - audace

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Septembre 1998

- Another step... A final step, chantonna Edith.

Elle écarta les bras pour plus de stabilité. Après tout, elle ne voulait pas tomber. Simplement ressentir quelque chose, et c'était énorme de percevoir la montée d'adrénaline dans ses veines. Elle avança son pied de quelques centimètres supplémentaires, et ferma les yeux.

C'était la première fois qu'elle se sentait vivante, et elle éprouvait une immense gratitude : elle était malade et malheureuse, mais son envie de vivre n'avait jamais été aussi forte. Elle s'apprêta à faire une promesse aux étoiles lorsqu'elle entendit une voix masculine :

- Arrête ça !

Soudain, elle fut tirée en arrière, et se retrouva projetée au sol. Une fois la surprise et la douleur du choc passées, elle se releva pour voir le visage de son « sauveur », mais il avait déjà disparu.

Août 1999

Il s'agissait d'un appartement miteux au dernier étage d'un immeuble qui semblait aussi solide qu'un château de cartes. Il ne disposait pas d'ascenseurs, mais d'escaliers raides et qui n'en finissaient jamais. Une fois la porte grinçante ouverte, on débouchait sur une petite pièce qui faisait office de cuisine, de salon et de chambre. Sur la droite, une minuscule salle de bains équipée du strict minimum.

- Je sais que cela peut vous paraître misérable, commença l'agent immobilier d'un ton penaud.

Sa chemise trop grande pour lui absorbait une impressionnante quantité de sueur, tandis que ses mains tremblaient. À l'évidence, il avait été envoyé ici par son patron, qui refusait de s'atteler à cette tâche.

- C'est très bien, lui assura Edith, les mains sur les hanches.
- Si vous voulez, on peut retourner à l'agence et voir autre chose...
- Pourquoi ? Je veux l'acheter.
- Vraiment ?
- Puisque je vous le dis. Je ne suis pas du genre à accepter pour faire plaisir aux gens. Je veux cet appartement, vous comprenez ?

Un sourire apparut sur les lèvres gercées de l'homme, qui manqua de sauter de joie, comme s'il effectuait sa première vente.

- On est toujours d'accord sur le prix ? demanda Edith, méfiante.
- Évidemment ! Cela fait bientôt six ans qu'on essayait de vendre cet appartement !

Il fouilla quelques instants dans sa mallette, en bafouillant des phrases incompréhensibles, qui exprimaient sans doute la joie que lui procurait cette vente peu probable, et il finit par sortir une dizaine de feuilles agrafées entre elles. Il les tendit à Edith en lui déclarant :

- Voici le contrat. Il faut signer en bas de la dernière page.
- Je n'ai pas de signature, avoua Edith.
- Dans ce cas, vous n'avez qu'à en inventer une, juste pour cette fois-ci.

Elle trouva l'idée intéressante. S'il y avait bien une chose qu'Edith ne supportait pas, c'était la routine. Comme tout le monde, elle avait ses habitudes, mais le fait de faire sans arrêt la même chose pour chaque action l'ennuyait vraiment.

Elle accepta le stylo que lui remit l'agent immobilier, réfléchit quelques instants puis écrivit de sa plus belle écriture :

Marry me ?

Septembre 1998

Margareth avança, en songeant qu'elle marchait dans les pas de sa sœur. Est-ce qu'elle allait, elle aussi, vivre les meilleures années de sa vie ici ? Elle n'en avait pas l'impression. Le bâtiment semblait abandonné, et Marg s'attendait presque à apercevoir une Edith fantomatique au détour d'un couloir. Un coup de coude dans les côtes la fit revenir à la réalité.

Mon insaisissableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant